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Olivier

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02/09/2004
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Le chemin de la nuit

Robert Silverberg


Le chemin de la nuit
Traduction : Alain Dorémieux, Pierre-Paul Durastanti, Hélène Collon, Jacques Chambon
Titre original : The road to nightfall / Ringing the changes
Première parution : mars 2002

 Pour la présente édition :

Editeur : Flammarion
Collection : Imagine

Ce livre est noté   (4/5 pour 1 évaluations)


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La critique du livre
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On connait l’impossibilité de faire une intégrale des nouvelles de

Silverberg

. Tout d’abord parce qu’il ne se souvient pas de tout ce qu’il a écrit, mais surtout parce que cela ne présente pas de véritable intérêt.

Silverberg

est même le premier à le reconnaitre : quand on a un loyer à payer, on ne regarde pas à la qualité mais à la quantité demandée : c’est ainsi qu’il a écrit dans l’urgence et sous de multiples pseudonymes bon nombre de textes à la longueur adéquate pour boucler un numéro. Ou mieux encore, qu’il a écrit à la hâte un texte qui s’inspire de l’illustration retenue pour le prochain numéro !
C’est notamment le cas de deux textes inédits en français : « Lever de soleil sur Mercure » et « Pourquoi ? » Pour être honnête, il faut bien avouer que ces deux textes n’apportent rien à la gloire d’un des seuls auteurs de sf vivants qui méritent le plus le Nobel. Mais au-delà des circonstances de leur écriture et de leur inspiration, on y sent déjà un petit frémissement, surtout dans le second.

Silverberg

commence déjà à pointer dans ces textes pourtant assez standardisés. On sent déjà poindre, malgré leur format assez court (une bonne quinzaine de pages chacun) la patte de l’auteur, notamment son art de ciseler des personnages. Si nous sommes très loin de chefs-d’œuvre du genre (et de la sf), tels que L’oreille interne, L’homme dans le labyrinthe ou Le livre des crânes,

Silverberg

commence toutefois à s’y émanciper de la mécanique simpliste du pulp, et de son travail de tâcheron. On sent déjà poindre, très chichement, chez ce jeune homme d’à peine plus de vingt ans le futur grand auteur, qui commence déjà à déborder le cadre superficiel du pulp, dont « Opération méduse » (autre inédit en français) est un parfait exemple.
De cette gangue alimentaire, on voit même poindre ici et là de véritables pépites. A commencer par le texte initial, qui donne son titre au recueil. Un moment d’horreur pure, de noirceur absolue et d’une maturité surprenante. Ou encore le premier texte qu’il a vendu à bon prix, « Tant de chaleur humaine » (alias « La sangsue »), un très beau texte aux accents sturgeoniens, où un étrange voisin absorbe les émotions négatives des autres, tandis que tourne autour de lui un enfant différent qui fait l’inquiétude de ses parents. On le voit même s’essayer avec succès à l’humour, assez rare dans son œuvre, avec son « Chancelier de fer ». Et c’est justement là que l’on bascule, et que les chefs-d’œuvre vont se succéder, ou peu s’en faut. Ainsi « Ozymandias » (qui renvoie au sublime sonnet de Shelley), dernier inédit en français du recueil, est vraiment digne du plus grand intérêt : ce conflit entre exoarchéologues et militaires autour d’un robot permet à

Silverberg

de nous offrir sa première nouvelle vraiment mature sur l’archéologie. Puis vient un texte déchirant, « Voir l’homme invisible », une dystopie glaçante bien loin de l’invisibilité de Wells, une sensibilité que l’on retrouve aussi dans le génial « Passagers ». Pour ne rien dire de l’immense culture littéraire du Grand Bob, dont témoignent « Le sixième palais » et ses accents kafkaïens, « Comme des mouches » et Shakespeare, les mythologies diverses et variées dans « Une fois les mythes rentrés chez eux », où l’on retrouve là encore une petite pointe d’humour. De l’humour, on peut passer à la noirceur la plus terrible, avec « La danse du soleil », paru juste un an avant Enterre mon cœur à Wounded knee, où sur fond de psychédélisme se rejouent les atroces guerres indiennes, qui rejoint en noirceur « Les arbres ont des dents ». De la Mémoire nous pouvons aussi passer à la mémoire, avec Le jour où le passé a disparu où un cocktail de drogues versées dans l’eau a fait perdre la mémoire à San Francisco, un impressionnant récit choral qui permet à

Silverberg

de multiplier les conséquences possibles en fonction des intérêts de chacun. Le tout pour finir en beauté avec « Trip dans le réel », qui nous montre un auteur au sommet de son talent.
Si l’on ne connaissait pas

Silverberg

, on aurait pu se dire dès les premiers textes (à l’exception, il est vrai, du premier) que nous étions bien partis pour bien mal arriver.
Parmi cet afflux de textes inédits et souvent peu essentiels littérairement parlant, j’ai été frappé de voir que sa chrysalide est loin d’être aussi rapide que d’autres nouvellistes vivant eux aussi de leur plume, comme Richard Matheson ou Philip K. Dick. Alors que celui-ci affirme rapidement son thème majeur, et que celui-là arrive rapidement à une maîtrise bluffante du format,

Silverberg

continue de produire au kilomètre (disons en gros depuis « Opération méduse » jusqu’à « Le monde aux mille couleurs », des textes essentiellement inédits), soit à peu près un quart du recueil. Dispensable ? Si l’on n’aime que l’auteur mature, de la fin des années 60 à sa première retraite au cours des années 70, il est certain que cette partie du recueil est dispensable. Même si l’on y voit petit à petit éclore, ici ou là, les prodromes d’un futur génie. Tout d’abord timidement, parce que les délais ne s’y prêtaient pas, et que les impératifs économiques étaient catégoriques.Par contre, elle présente un double intérêt, pour

Silverberg

et pour la sf. Le premier est d’offrir un bon aperçu des standards du pulp des années 50. Le second est de voir d’où est parti le

Silverberg

que l’on aime, c'est-à-dire de très très loin : vue la distance, son œuvre est presque un space opera !
Du côté vraiment positif, on ne pourra tout d’abord que se réjouir d’avoir accès à une quantité plus qu’appréciables d’excellentes nouvelles, bien trop souvent éparpillées dans des anthologies ou des recueils à la disponibilité très alléatoire.

Silverberg

est un de ces rares auteurs à être aussi brillants en nouvelles qu’en romans, et ses recueils précédents étaient bien trop parcellaires pour donner un véritable aperçu du bonhomme. Enfin, le petit chapeau introductif qui coiffe chaque nouvelle est assez intéressant, notamment celui de « Comme des mouches » sur le genèse des Dangereuses visions d’Ellison : nous serions curieux d’avoir d’autres versions de l’histoire ! Outre Ellison,

Silverberg

a la franchise de reconnaitre le caractère purement alimentaire de certaines publications, nous offre ici ou là des anecdotes intéressantes sur Anthony Boucher ou John W. Campbell. S’il n’est pas, ici ou là, exempt d’autosatisfaction, je me dis que c’est certainement bien plus mérité qu’Asimov, que

Silverberg

surpasse sans peine.

Au final, vu le prix assez modique du livre en poche, on se dit qu’il serait bien dommage de se passer d’une facette essentielle de

Silverberg

, celle du nouvelliste, qui permet d’avoir un aperçu plus objectif et plus complet d’une oeuvre immense, dans toute l’ambiguïté du mot.




Robert Silverberg, né à New York en 1935, est une des grandes figures de la science-fiction américaine. Auteur d'une oeuvre impressionnante sur le double plan de la quantité et de la qualité, aussi à l'aise dans le roman (il en a une centaine à son actif, dont une bonne vingtaine de chefs-doeuvre) que dans la nouvelle, il jouit aujourd'hui d'une notoriété et d'une considération égales à celles d'un Bradbury ou d'un Asimov, avec qui il a conjugué son talent pour l'écriture de trois romans.

D'étranges sociétés du futur, des mystères archéologiques, des technologies propres à changer la face du monde, des extraterrestres comme s'il en pleuvait, et toujours, une humanité confrontée à des situations cruelles ou de terribles enjeux éthiques...
Ce premier des quatre volumes rassemblant dans l'ordre de leur composition les nouvelles les plus significatives d'une oeuvre qui en comporte près d'un millier — choisies et présentées par l'auteur, qui a écrit une introduction pour chacune d'entre elles — couvre les années 1953-1970. En d'autres termes, qui sont ceux de Silverberg lui-même : « Ce livre s'ouvre sur les textes de l'apprenti que j'étais à la fin de mon adolescence, au début des années 50, pour passer aux récits compétents et enlevés du pro au regard averti que je n'ai pas tardé à devenir, avant de se conclure par les arabesques et sophistications caractéristiques de ma période " fin des années 60 ", alors que j'entrais en pleine possession de mes moyens. »
Dans cette « manière d'autobiographie par le détour de la fiction », on pourra donc non seulement suivre le parcours d'un auteur-phare du domaine, mais revisiter sous un angle original l'histoire de toute la science-fiction moderne.

Traductions de l'anglais (É.-U.) inédites ou revues par Hélène Collon, Corinne Fisher, Pierre-Paul Durastanti et Jacques Chambon.


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