En mai, lis ce qu'il te plait

Justement, il pose des questions intéressantes.
Il reconnait la qualité des interrogations théoriques de Robbe-Grillet, en particulier son rejet de la littérature engagée à la Sartre. Mais il montre justement que Robbe-Grillet ne met pas ses théories en pratique, et pratique une littérature ennuyeuse.
En la matière, je préfère de loin Julien Gracq qui, dans Il faut que la littérature respire, renvoyait dos à dos le nouveau roman et la littérature engagée. Et franchement, je ne vois pas grand chose dans le nouveau roman et la littérature engagée qui arrive à la cheville du Rivage des Syrtes.
Pourquoi lire sur des gens que je n'apprécie pas ? Mais c'est justement parce que cela me permet d'éclairer mon jugement, pour qu'il ne soit pas trop instinctif et ait suffisament de recul. Mettre en lumière les faiblesses et les trucages du Foucault des Mots et les choses, Surveiller et punir ou L'histoire de la folie à l'âge classique me parait être une chose tout à fait intéressante, par exemple.
Orwell est justement intéressant, non seulement parce qu'il est extrêmement méconnu, mais aussi parce qu'il a su avoir des jugements iconoclastes et fort intéressant aussi bien en littérature qu'en politique voire en sociologie ou sur la langue.
En littérature pure, je me sens plus proche des critiques et des choix de Gracq et Manchette, qui furent également d'immenses écrivains en plus d'être des critiques sardoniques de leur époque (le premier dans La littérature à l'estomac et le second dans toutes ses oeuvres, de ses romans à ses Chroniques noires et son Journal).

Je me lance dans un petit polar fantastique fort sympathique : L'affreux joujou de Siniac.

Ajoutons également que j'ai le goût de la polémique (Misère de la philosophie ou De la misère en milieu étudiant sont pour moi des références en la matière) et l'hétérodoxie. Je me méfie des goûts et des intellectuels dominants (et des intellectuels tout court d'ailleurs : Orwel nous a donné de précieuses leçons à ce sujet).

Karl Krauss n'est pas inintéressant, loin de là. Ivréa avait d'ailleurs publié plusieurs titres de lui.
Il est effectivement un polémiste brillant. Son opposition au régime national-catholique de Dollfuss était bien vue.
Mais je le trouve trop réactif, en ce sens qu'il réagit plus aux évènements qu'il ne cherche à vraiment les comprendre. Il manque à mon sens d'un certain recul.

C'est pour cela que je lui préfère Orwell, ou Zamiatine. Je pense qu'ils ont su mieux que quiconque saisir la vraie nature du totalitarisme (J'ai peur en est un magnifique exemple, que l'on peut lire ici mais aussi, bien sûr les nombreux textes d'Orwell, de son Hommage à la Catalogne aux magnifiques Littérature et totalitarisme et Pourquoi j'écris, sa méfiance vis-à-vis des intellectuels a pu se vérifier largement au cours des années 50 à 70 : ses critiques sur leur inclinaison au totalitarisme étaient pleinement justifiées). Il est vrai qu'ils ont été directement confronté à Staline, l'un en Russie, l'autre en Espagne.
Si vous voulez creuser un peu la question orwellienne, j'avais fait un dossier sur sa rencontre avec le totalitarisme que l'on peut lire ici.

Merci bien pour les informations Olivier.
Notamment dans l'article de Orwell, j'ai trouvé une citation qui va me resservir bientôt !

Sinon, je continue Mother London. La maturité de son écriture acquise depuis Elric est vraiment frappante. Je ne sais trop encore quoi en penser. C'est une ambiance saisissante, une ode vivante à Londres, mais la densité et de nombreuses références plus ou moins opaques couplées à l'épaisseur du bouquin (700 pages) me laisse quelque peu perplexe. Mais je comprends aisément qu'on qualifie cette oeuvre de point d'orgue dans sa carrière.

Laquelle (juste par curiosité) ?

Pour les citations, je te conseille de chercher le bouquin de Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique. Tu y trouveras un excellent choix de citation.

Si tu cherches l'autre bord, ceux qui se sont lourdement trompés, tu as les deux bouquins de Quadruppani :
Les Infortunes de la vérité : Mensonges, erreurs et reniements politiques chez les intellectuels français de 1934 à nos jours (le livre date de 1981).
Catalogue du prêt-à-penser français depuis 1968 (le livre date de 1983).
On peut aussi y ajouter l'excellent ouvrage de Louis Janover, Les intellectuels face à l'histoire (1980).

Et à ne pas rater, la réédition du bouquin de Papaïoannou intitulé L'idéologie froide qui, bien que quadragénaire, est à nouveau pleinement d'actualité. Il a aussi le mérite de nous rappeler, comme Simon Leys pour la Chine (Les habits neufs du président Mao), ou Boris Souvarine (L'URSS en 1930, un portrait effrayant de l'URSS basé sur les journaux russes : c'est dire si la réalité était encore bien pire : je vous en conseille fortement la lecture, amateurs de dystopies !!!) que l'on pouvait savoir sans problème ce qui se passait à l'époque. Encore suffisait-il de le vouloir. Ceux qui disent qu'ils se sont trompés, qu'ils ne pouvaient pas savoir mentent comme des arracheurs de dents, y compris pour les Khmers rouges ou l'URSS ante-Staline.
Je ne vais pas trop m'étaler, parce que c'est très HS. Mais n'hésitez pas à m'envoyer un MP si vous chercher un livre sur tel ou tel régime.

« Si vous désirez une image de l’avenir, imaginez une botte piétinant un visage humain ... éternellement.
[...] Et souvenez-vous que c’est pour toujours. Le visage à piétiner sera toujours présent. L’hérétique, l’ennemi de la société, existera toujours pour être défait et humilié toujours. [...] L’espionnage, les trahisons, les arrêts, les tortures, les exécutions, les disparitions, ne cesseront jamais. Autant qu’un monde de triomphe, ce sera un monde de terreur. Plus le parti sera puissant, moins il sera tolérant. Plus faible sera l’opposition, plus étroit sera le despotisme. »
George ORWELL, « 1984 »

hihi

		Citation : Laquelle (juste par curiosité) ?

Alors c'est pour une dissertation sur une citation de Paul Valery (Celle devant le Palais chaillot).

"Par bonheur, les masses ont une intuition plus fine qu'on ne le pense. C'est pourquoi le triomphe des alertes n'est qu'éphémère."

ça me fera une jolie introduction d'un paragraphe sur la notion de pérennité des "Grandes Oeuvres" dans le temps par rapport à celles qui, ayant pourtant marqué un siècle, disparaissent vite des mémoires. (Argumenté autour d'un texte de Boileau)

L hybride de Steve Vance

		Nostromo : Je me souviens par exemple d'une de ses phrases laconiques qui résume bien Nietzsche et le nazisme : [...]

Associer ces deux-là démontre bien que ce type a (très) mal lu le premier...

Pas forcément.
Je trouve que la citation de Nostromo issue de Krauss résume avec un cynisme féroce la raison pour laquelle les écrits de Nietzsche se sont fait violés.

Et hop, un interlude pendant vos discussions philosophiques. Mon post tombe comme un cheveu sur la soupe, mais bon...
Finis Stephen King - La tempête du siècle Loin d'être le meilleurs de ses livres, sûrement pas loin d'être le plus mauvais livre que j'ai lu de lui. La forme tout d'abord assez fastidieuse à lire, pour ne pas dire chiantissime. Publier un script pour une mini-série télé de seconde zone n'aura pas été la meilleur idée. Le rythme des dialogues sans cesse entre coupé par les descriptions champ / contre-champs, gros plan / plan large est intenable. L'ambiance est limitée à une vague description des lieux avec de petites anotations qui arrivent là à la va-comme-j'te-pousse. Le fond n'est pas mieux. La psychologie des personnages frisent le zéro absolu. Le méchant est vraiment très très méchant, mais alors à un point mes pauvres amis. Le gentil quant à lui, ferait passer Jésus Christ pour un marchant d'esclave... Etant destiné à un large public (diffusé initialement sur la chaîne ABC aux états unis) le scénario est rempli de clichés, de bigoteries facilement assimilable par l'américain moyen... A oublier et si possible avant qu'il ne soit trop tard, à ne pas acheter...