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Olivier

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02/09/2004
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Le petit garçon qui voulait être mort

Jean-Pierre Andrevon


Le petit garçon qui voulait être mort
Illustration : Rémi Hamoir
Première parution : 1999

 Pour la présente édition :

Editeur : Les Belles Lettres

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (2 réponses)

Le petit garçon qui voulait être mort est un recueil de 8 nouvelles, que l’on peut situer sans hésiter dans le haut du panier de la vertigineuse production d’

Andrevon

.
Oscillant avec un égal bonheur entre le fantastique et la sf -voire par moment vers l’horreur- nous avons là un bel aperçu des registres dans lesquels l’auteur s’illustre.
Si l’on devait trouver un point commun aux 8 textes, ce serait le brouillard. La plupart des textes sont en effet relativement nébuleux. Nous sommes plus dans des fragments de cauchemars, dans des mensonges ou des réalités floues, dans lesquels errent les malheureux protagonistes. Mais

Andrevon

reste

Andrevon

, et il nous immerge avec talent dès les premières lignes.
La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, donne en effet le la. L’immersion est totale, le monde est vu à travers les yeux d’un garçonnet de 5 ans. Ce petit garçon perd sa grand-mère. Comme souvent avec les jeunes enfants, ses parents lui ne lui disent pas toute la vérité. La mort reste donc un mystère difficilement appréhendable pour ce jeune garçon. Il ne cesse de penser à sa grand-mère tandis que ses parents se déchirent et finissent par se séparer. Maintenant qu’il vit seul avec sa mère, une pensée devient obsédante : comment rejoindre sa grand-mère ? Il est ici difficile de ne pas penser à Dennis Etchison. On y retrouve la même sensibilité, le gout de l’épure, la terrible efficacité et cette distance glaçante. Premier texte, première perle.
« Regarde-le ! » revient sur une obsession d’

Andrevon

, les dinosaures (l'un de ses livres a même été postfacé par Stephen Jay Gould en personne, excusez du peu !). Ici, ce sont les hommes qui chassent les dinosaures. Sommes-nous sur Terre ? Voyageons-nous dans le temps ? Jurassic Park ? Allez savoir ! La seule chose vraiment certaine, c’est que là-bas comme ici, l’homme est et reste une véritable catastrophe. Servie par une écriture nerveuse et racée, le texte est court et remarquablement percutant.
« Et si nous allions danser » est certainement l’un des meilleurs textes que j’aie lu depuis… que je lis ou peu s’en faut. Nous sommes sur une vaste plage ensoleillée. Une famille campe, mais le camping ressemble d’avantage à un camp (de réfugiés ? de concentration ?), administré par des militaires tatillons. La nourriture est rare et chère, et le troc devient vite la règle. Les rafles sont régulières, mais ne concerneraient que les personnes qui ne sont pas en règle. Tout est rationné, mais scrupuleusement administré. Jusqu’aux douches. Mais s’agit-il vraiment de douches ? Paranoïa ou fuite de l'horrible réalité ?

Andrevon

joue ici admirablement sur l'ambigüité. Si l’on se rend rapidement compte que nous ne sommes pas dans un camping trois étoiles, il laisse cependant planer un doute tout au long du texte. Sans vouloir rien dévoiler, la chute est tout simplement sublime.
« Demain je vais pousser ». Un homme vit dans une étrange ville, cernée de toutes parts par les autres. Qui sont-ils vraiment ? Pourquoi veulent-ils faire tomber l’enceinte qui protège la ville ? Allez savoir, mon bon monsieur. Car ici, nous sommes aux prises avec un personnage banal, un petit fonctionnaire qui ne se pose pas de question et effectue consciencieusement son travail : pousser l’enceinte pendant 12 heures hebdomadaires, pour éviter qu’ils ne la renversent. Et les dégommer au cas où : il y a tout l’équipement qu’il faut pour cela. Mais comment répondre à ce doute qu’instille le désir ?
« Mort aux vieux ! » ou comment faire un génocide chez les responsables politiques de la gérontocratie française ? Non, il n’est non plus question de politique ici. Ni même de vieux. Le narrateur fait en effet partie d’une de ces bandes qui traquent impitoyablement les vieux pour les exterminer. Ici c’est d’effusion grégaire que l’on parle. Ou comment commettre des actes atroces, en étant entrainé par un groupe. Le hooliganisme quitte ici l’arène sportive, mais l’état d’abrutissement est bel et bien le même. Mauvaise surprise en plus, car la chute est là encore redoutable.
« Qu’est-ce qui va encore arriver ? » ou comment écrire une nouvelle qui ne pourra que plaire aux fans de Di Rollo (imaginez un Archeur réussi) ou du Disch d’Au cœur de l’écho. Car c’est bel et bien de guerre que nous parlons. Rien de sublime donc, mais la guerre telle qu’elle est : des cadavres et des agonisants, du sang et des tripes. La guerre, un massacre de gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui se connaissent mais ne se massacrent pas, comme disait Paul Valéry. Si l’on trouve des tranchées, les protagonistes ne sont pas ceux qui se connaissent ou ceux qui se massacrent. Ces derniers n’ont d’ailleurs droit qu’au second rôle. Nous sommes ici aux cotés de ceux qui attendent, à coté du champ de bataille, que les morts et les agonisants viennent à eux. Ces étranges fossoyeurs trouvent cependant à redire, car cette boucherie finit est telle qu’ils sont débordés de travail. Quand à savoir pourquoi l’on se bat, cette guerre est aussi absurde et barbare que 14-18 (lisez La grande guerre de Marc Ferro !!!) : on y retrouve même les tranchées ! Le choix du décalage joue ici à plein. L’horreur n’est pas frontale comme dans Les fragments d’Antonin (le meilleur film depuis Kubrick sur la Première boucherie mondiale). Le décalage et la distance (nous sommes aux marges de la bataille) font que l’horreur est encore plus insoutenable, et l’absurdité plus flagrante.
« Condamné » inaugurait l’excellente revue Ténèbres (dont il convient de saluer la renaissance !). Et quelle inauguration mes aïeux ! Là encore, le point de vue est totalement subjectif, puisque nous ne voyons le monde, ou plutôt les mondes à travers les yeux d’un personnage principal tutoyé. Point de je ici, dans cette errance kafkaïenne de monde en cauchemars, sans que l’on sache très depuis quelle réalité l’on cauchemarde. Tu es condamné, mais par qui et pour quoi ? Là encore, la brume, jusqu’à la révélation finale, poignante et fracassante. Il faut aussi remarquer l’écriture, admirablement ciselée ici plus encore qu’ailleurs. Car

Andrevon

est aussi une plume alerte, un styliste envoutant à la Daniel Walther.
Le dernier texte est lui aussi une brillante réussite. Un ingénieur revient du boulot, et s'attend à retrouver son fils, sa femme et son chien : son bonheur conjugal. Sauf qu'il n'est pas celui qu'il croit, puisque le mari, le père et le maitre est déjà chez lui. A moins que l'imposteur ne soit l'autre ? Mais encore, pourquoi dupliquer (cloner ?) un paisible cadre ? Et surtout qui duplique ? Là encore, un cauchemar brumeux qui rappelle L'invasion des profanateurs de Jack Finey, à la différence prêt qu'

Andrevon

réussit magistralement sa chute.

Vous l’aurez sans doute compris, ce livre est un double plaidoyer. Plaidoyer pour un auteur, dont les multiples talents s’étalent sans complexe et avec bonheur au fil de ces 8 nouvelles. Mais aussi plaidoyer pour cette mal-aimée, la nouvelle. Car ce qu’

Andrevon

nous montre ici, c’est que la nouvelle est un art à part entière. Combien de romans furent gâchés par le délaiement excessif de ce qui fut ou aurait pu être une formidable nouvelle ! Car cela doit être dit et rappelé : il y a des histoires auxquelles seule la nouvelle sied.

Andrevon

nous en offre ici 8, 8 histoires remarquables qu’il serait vraiment dommage de louper. Rien que « Et si nous allions danser ? » justifie amplement l'achat du recueil. Maintenant que Papa Noël a pensé à vous, vous pouvez bien dépenser les quelques euros qui vous offrirons d'excellents moments de lecture, car ça au moins, ça n'a pas de prix !

Bravo et surtout merci Jean-Pierre !




Comment distinguer la science-fiction du fantastique ? Selon Philip K. Dick, c'est impossible. D'abord considéré comme un auteur de science-fiction, Jean-Pierre Andrevon peut-il être vu aussi comme un écrivain « fantastique » ? Qu'est-ce qu'il y a « de l'autre côté » ? C'est de cette distance impossible à combler que vient la tristesse », a-t-il lui-même écrit. Les huits nouvelles inédites de ce recueil ne sont pas toutes tristes, mais elles sont souvent angoissées et toujours inquiétantes. Dans tous les cas, passionnantes.





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