Qu'est-ce qui ne va pas avec Poul Anderson ?

Il y a quelque temps, j'ai posté un message (ici) où j'évoquais mes réticences vis à vis de Poul Anderson.
Voilà-t-y pas – ce que c'est que le hasard, quand même... – qu'aujourd'hui, en ouvrant un numéro de Fiction récemment acheté et non encore lu (n° 158 de janvier 1967), je lis dans le "chapeau" de présentation d'une nouvelle de Mack Reynolds (Russkis go home !) :

« La longue nouvelle qui suit, malgré son titre provoquant, ne vise en rien à rallumer la querelle Est-Ouest. (...) De toute façon, il nous semble exclu de pratiquer une censure des thèmes au niveau de l'édition, sous prétexte que certains offrent des idées sujettes à controverse. Nous pensons, entre autres, à Poul Anderson, dont certaines récentes nouvelles ont pu provoquer quelques remous. »

Donc, ce n'est pas moi. Il y a comme un malaise...
Avez-vous ressenti la même chose ?

Pourrais tu préciser stp ?
Fan de Poul Anderson ( Les Croisés du Cosmos, Hrolf Kraki, 3 coeurs 3 lions, le cycle de Nicholas Flandry, etc. ) j'ai du mal à comprendre ce que tu lui reproches.
Contrairement à toi, et même si je n'ai pas lu la nouvelle que tu cites, je trouve plus que pertinent son traitement de la ghetisation de certaines élites. Je trouve même ce sujet ô combien d'actualité quand on voit actuellement la part réservé à la véritable culture par rapport aux Star Academy et autres A la recherche de la nouvelle star

la perception de Poul Anderson en France est un vieux serpent de mer qui ressurgi parfois (moins souvent qu'un thread similaire sur Heinlein).

Il y a quelques élements objectifs :

- du fait que son marché naturel ait été Astounding/Analog, sa production de nouvelles, malgré son volume conséquent (j'en ai 218 rien que dans ma bibliothèque, le total doit tourner autour de 400), n'a jamais été correctement diffusée en VF, ce magazine étant le seul des 'trois gros' à ne pas avoir d'édition française.

- du coup, sa production de romans a subi le même sort (sur 92 romans de cet auteur dans ma bibliothèque, seul 14 ont été traduits, idem pour ses nombreux recueils : moins d'une diziane en VF, une cinquantaine en VO en stock).

- le fait qu'il ait signé le fameux manifeste sur la guerre du Viet-nam paru dans Galaxy du côté de ceux (quasiment une centaine si mes souvenirs sont bons) qui soutenaient l'intervention US l'a fait mettre dans les faucons, ce qui a produit un rejet assez net de la part des instances de la SF en France dont la coloration politique majoritaire était opposée.

- la versatilité de cet écrivain qui passe de la Hard-Science (Tau zero) à la fantasy (3 coeurs, 3 lions) en passant par l'humour (Star prince Charlie), le post-apocalyptique (Vault of the ages), le roman historique (The golden slave) ou toutes les formes de Space Opéra a probablement pertirbé les éditeurs français (au contraire d'un Keith Laumer classé et publié comme SF humoriste dès le début, parfois à tort).
Pour pousser la comparaison avec Retief, le cycle de Flandry est assez révélateur de ces différentes ambiances, allant de la farce (Agent de l'empire terrien) à une noirceur inquiétante (A knight of ghosts and shadows).

Après, pour le subjectif, il est clair que Anderson serait considéré comme 'de droite' en France et que ses personnages sont parfois des capitaines d'industrie (la série Harvest) ou de commerce (Van Rijn) sans grande moralité.




(Signet, 1987, couverture de Hildebrandt)



(Avon Camelot, 1969, couverture de Polsino)



(Ace D-550, 1955, couverture anonyme)

A noter qu'un essai de Jean-Daniel Brèque doit être publié aux Moutons électriques en septembre.
L'occasion d'approfondir de se faire une idée sans a priori idéologique sur cet auteur.

PS : pour le plaisir de chipoter avec sandrine, Trois coeurs, trois Lions est effectivement une Fantasy mais abordée avec le regard d'un scientifique.

		Citation : PS : pour le plaisir de chipoter avec sandrine, Trois coeurs, trois Lions est effectivement une Fantasy mais abordée avec le regard d'un scientifique.

de la Science-Fantasy ? ;-).



(Berkley, 1978, couverture de Wayne D. Barlowe)

PS : on notera le blurb qui dit bien The fantasy classic ;-)

Merci, Sandrine, pour ces éclaircissements !

		Citation : Après, pour le subjectif, il est clair que Anderson serait considéré comme 'de droite' en France

Il doit être là, le problème...

		Stealrige demande : Pourrais tu préciser stp ?

Bien sûr ! Extraits :

(...) il ne put s'empêcher de faire la grimace en se rappelant qu'il avait fuit la conscription en 1949. Il avait assez voyagé pour savoir que son pays valait la peine d'être défendu. Mais il n'avait pas eu de difficulté à circonvenir le psychiatre et à se faire noter comme un psycho-névrosé incurable... ce qu'il serait immanquablement devenu après deux ans passés parmi les hommes aux désirs réfrénés. Il n'avait pas eu le choix, mais il ne pouvait s'empêcher d'éprouver un sentiment de dégradation...

Le bout de la route (nouvelle)

[Corinth] boitait légèrement, souvenir d'un accident survenu au cours de sa jeunesse et à la suite duquel l'Armée l'avait réformé. A vrai dire, il y avait eu une autre raison à cela : le fait qu'il fût versé, malgré son jeune âge, dans le projet Manhattan, destiné à préparer l'explosion de la bombe atomique.
Il tiqua au relent de ce souvenir. Hiroshima et Nagasaki pesaient encore lourd sur sa conscience. Il avait abandonné immédiatement après la guerre, et pas seulement dans le dessein de reprendre ses propres travaux ou d'échapper à la paperasserie administrative, mais aussi pour fuir le sentiment de sa faute. C'était pour la même raison qu'il s'était lancé ensuite dans divers mouvements mondialistes, pacifistes pour progressistes, avant de comprendre, comme tant d'autres hommes de science sincères, qu'il avait été dupé.

Barrière mentale

Ce sont des propos de ce genre qui me chiffonnent.

C'est pourquoi, même si j'ai beaucoup apprécié Opération chaos, Les croisés du cosmos, La patrouille du temps ; si je considère que Le bout de la route est une des meilleures histoires que l'on ait pu écrire sur le thème de la télépathie, je ne suis pas fan de Poul Anderson.

La pétition à laquelle Sandrine fait référence est assez éclairante.
Elle a été signée par Heinlein, Niven, Pournelle (?), Williamson...
Les anti-guerre étaient Asimov, Bradbury, Dick, Silverberg, Spinrad, Delany, Le Guin, Disch, Ellison...

Simak et Sturgeon n'avaient rien signé par contre.

La traduction s'en est ressentie !

D'ailleurs, le Fiction de mai ou juin 68 s'en était fait l'écho, et avait presque traité de vieux cons rétrogrades les pro-guerre.

(Parenthèse
Est-ce qu'il y eu des pétitions pro ou anti guerre en Irak ?
Juste pour savoir
fin de parenthèse)

pour vous pêrmettre de juger sur pièce (désolée de la taille) :

		Citation : (Parenthèse Est-ce qu'il y eu des pétitions pro ou anti guerre en Irak ? Juste pour savoir fin de parenthèse)

Oui, ici et avec une belle coquille d'ailleurs.
Les liens donnent aussi la liste des auteurs us engagés contre.

Sans vouloir polémiquer, un auteur de SF peut avoir des idées conservatrices sans que cela nuise à la qualité de son oeuvre (Frédéric Brown, Daniel Galouye, Heinlein, Vance entre autres qui figurent sur la liste pro guerre du Vietnam).