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Plaidoyer pour une mal-aimée |
15/09/2005 à 18h41 |
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Plaidoyer pour la mal-aimée
Non, il ne s'agit pas de la belle-mère, quoi qu'il y aurait beaucoup à dire sur le sujet (poids idéal : 3 kilos, urne funéraire comprise).
Je veux parler brièvement d'une mal-aimée qui me tient à cœur : la nouvelle.
La nouvelle est un texte littéraire plus ou moins court, qui va grosso modo de quelques mots à quelques dizaines de pages. Longtemps publication quasi-exclusive des pulps, qui jouèrent le rôle que l'on sait dans la sf, je trouve qu'elle est trop mal-aimée, et aussi ai-je pris la décision de la défendre par le présent et fougueux plaidoyer, car je l'aime.
La nouvelle est bien sûr partie intégrante de l'œuvre des plus grands auteurs aux plus mineurs, pour peu qu'ils en aient écrit. Il est en effet très rare qu'un auteur de sf ou de fantastique, voire de fantasy (Howard par exemple, avec les péripéties de Conan) n'ait donné ses lettres d'honneur à la forme courte.
On dit souvent qu'il est plus facile d'écrire une nouvelle qu'un roman. N'étant pas un auteur, je ne puis juger de la difficulté de l'exercice. Par contre, en tant que lecteur, je ne pense pas qu'il soit plus facile ou plus difficile d'écrire une nouvelle. Car je pense que les deux ne sont pas vraiment comparables. Certes, l'un comme l'autre peuvent parfois appeler une suite et y donner lieu, mais à part ça ? Pas grand chose à vrai dire.
Sa concision a plutôt tendance à saborder les longueurs, sans pour autant les éviter à chaque fois bien sûr, mais quand même !
Publiée en recueil, sa concision permet de varier les ambiances et les histoires d'un texte à l'autre, comme on peut le voir avec le magistral "Fantômes et farfafouilles" de l'inimitable Fredric Brown. Sans parler de l'incroyable talent de Richard Matheson, qui sait toujours vous couper le souffle avec ses chutes imparables, qui laissent immanquablement le lecteur pantois d'admiration.
La chute est souvent un élément difficile et réussi, il peut en faire un véritable chef-d'œuvre, à l'instar de "Pauvre petit garçon" de Dino Buzzatti (in. "Le K").
Elle permet aussi le pastiche, comme un hommage au genre ainsi qu'à ses auteurs, et à cet égard, force est de reconnaître qu'Andrew Weiner est un maître, avec son superbe "Envahisseurs !" (l'édition folio sf regroupe les deux volumes parus au Bélial), où l'on passe de Sheckley à Sturgeon, sans oublier un petit détour par Ballard. Autant dire qu'avec ce recueil, c'est un condensé du meilleur de la sf que vous avez dans la poche, au cas où vous ne pourriez emmener qu'un seul livre sur une île déserte, dans l'espace et n'importe où ailleurs, du moment que vous ne pouvez emmener qu'un seul livre (et tant qu'à faire un bon !).
Elle permet aussi d'expérimenter certains procédés d'écriture, comme le fait Ballard dans "La foire aux atrocités", ou de créer un dépaysement total par petites touches, comme autant de fragments d'un univers si proche et si lointain, à l'instar de l'envoûtant "Vermilion sands" du même Ballard.
Elles permettent aussi la variation sur un thème, comme autant de facettes d'un sujet, à l'instar par exemple des "Domaines de la nuit" de Dennis Etchison, qui explore comme personne l'ambivalence de l'humanité, dans sa noirceur comme dans ses bons cotés.
Ou bien, on peut aussi avoir un texte coup de poing, du genre de ceux qui vous hantent longtemps après, comme "Meucs" (in. "Meucs") de Terry Bisson, implacable réquisitoire contre la barbarie de la peine de mort, qui vous prend aux tripes et ne vous lâche qu'à votre trépas. Et que dire aussi de ce glissement progressif, façon crescendo de Beethoven, auquel on assiste dans "La première fois" de K. W. Jeter (in. Territoires de l'inquiétude 1, Denoël présence du fantastique, anthologie d'Alain Dorémieux), d'un Etat du Sud des USA, écrasé par le soleil de plomb de l'été, où l'on pense qu'un jeune homme va aller se faire déniaiser au bordel. Ou bien cette fameuse partie de pêche de l'excellent Steve Rasnic Tem (in. "Ombres sur la route").
Mais même au delà de cela, la nouvelle (y compris la novella) permet toutes les audaces, à commencer par les plus gros délires. A tout seigneur tout honneur, l'un des meilleurs textes lovecraftiens, "Celui qui bave et qui glougloute" de Roland C. Wagner (in. "Musique de l'énergie", dont la nouvelle éponyme est un hommage sublime au rock). Loin de toute imitation plate de Lovecraft comme on a pu tant en lire, la mythologie du maître est ici mise au service d'une immense déconnade, absolument géniale et totalement réussie et maîtrisée. Sans oublier non plus l'humour très noir du Francis Berthelot de "Peter Paon et la fée crochette", sur les innombrables atrocités du XXe siècle. Et c'est dans ce même "Forêts secrètes" que vous passerez des larmes du rire aux larmes de l'émotion, qui ne manquera pas d'étreindre le lecteur du "Cœur à trois temps". C'est beau, magnifique, splendide et poignant comme du Sturgeon, celui de "Une soucoupe de solitude". Ah, cet incroyable Sturgeon, qui sait faire mouche dans tant de nouvelles, et dont on ne lit le plus souvent que "Les plus qu'humains" et "Cristal qui songe", en ignorant que son oeuvre merveilleuse ne se limite surtout pas à ces deux romans.
Mais aussi que dire d'un Gaiman, si choupignou avec "Stardust", qui est en même temps capable d'écrire quelque chose d'aussi trash et jubilatoire que "Neige, verre et pomme", où Blanche Neige est un vampire dormant, que son nécrophile de Prince charmant va réveiller d'un coït, le tout publié par Poppy Z Brite. Ah ! cette chère Poppy, qui vient de signer avec sa "Petite cuisine du diable" une merveille, une nouvelle étape dans sa carrière, où elle passe du trash à la sensibilité la plus exquise, que l'on sentait déjà poindre. Quelle merveille que "Rien de lui ne s'étiole" !
Ah ! tant à dire, tant d'auteurs et de textes à défendre (les nouvelles de Dick, tellement de merveilles d'inventivité méconnues) que la place me manque, car je ne veux pas trop m'étaler, afin de ne pas perdre trop de lecteurs en route et passer ainsi à coté de l'objectif de ce texte : vous pousser à lire des nouvelles, à commencer par celles (et les recueils) cités dans ce texte.
Et j'ai encore tant d'autres choses à lire, comme "Dérobades" de Jess Kaan, ou à relire pour de nouveaux plaisirs, comme Lovecraft, Gaiman ou Dick.
J'éspère simplement que ce court texte vous poussera à jeter un coup d'œil sur ce contient hélas trop noir de l'imaginaire, qui ne peut que gagner à être défriché et explorer, afin d'en découvrir l'incroyable quantité de merveilles qu'il recèle.
Avant de passer à un autre topic ou de répondre à celui-ci, n'oubliez donc pas que bons nombre d'œuvres majeures de la sf commencèrent sous forme de nouvelles, à commencer par "Fondation" d'Asimov, "Les amants étrangers" de Farmer, "2001" de Clarke et Kubrick ou encore "La stratégie Ender" de Card.
J'effleure simplement, pour aiguiser votre curiosité, et surtout pour ne pas déflorer ces courts textes qui vous donnent tant de bonheur, comme "L'apopis républicain" d'Ugo Bellagamba (in. "La cité du soleil"), véritable condensé de sf et d'intelligence (uchronie, hard-science, réflexion sur le tyrannicide), plaidoyer comme tant d'autres textes pour ce genre majeur : la nouvelle.
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 "Un monde nouveau va naître, un monde dans lequel il n'aura pas sa place. Il est trop clairvoyant pour lutter contre lui ; mais il ne feindra pas de l'aimer." George Orwell
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dernière édition : 15/09/2005 à 18h54
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RE : Plaidoyer pour une mal-aimée
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15/09/2005 à 20h27
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Olivier..! Quelle introduction pour un thread sur les nouvelles..! Un vrai roman..!
J'ai passé un très long temps à n'avoir pas le temps..! Les pavés non finis, laissés pour compte quand on perd le fil de l'histoire au bout de quelques semaines d'abandon..! Cà coùte cher et çà prend de la place..!
Alors: les nouvelles comme une bouée de sauvetage pour continuer à lire, tout simplement..! Quelques instants à consacrer à un bon receuil et le bonheur frappe à la porte..!
Une idée passe..! Oh..! Pas celle qui concrétise l'épaisseur d'un roman..! Une ch'tite idée de rien, aussi légère qu'une plume..! L'imaginaire de l'auteur s'en empare, la couche sur le papier l'espace de quelques pages, tant qu'elle l'amuse..! Et la messe est dite..! Vogue la galère..!
Exemple: "Le moutard" de Sturgeon in "Les enfants de Sturgeon" (Anthologie préparée par M. Leconte).."Le maitre ne relisait jamais ses textes..! Il fut très surpris de de la relire quelques années plus tard. Il l'avait complètement oubliée"
La nouvelle ne pardonne pas: elle est bonne ou mauvaise, pas d'alternative..! Elle s'oublie ou s'enracine.. Son effet: elle éclate à la gueule de celui qui la lit ou s'efface de sa mémoire comme un pèt sous le vent..! Elle perdure ou s' "usage-unise", rubis ou kleenex, tape à coté de la plaque ou se fiche au coeur de sa cible..!
Quelques pages et tout est dit..Diagnostic immédiat: échec ou succès..!
Concision, compacité, efficacité, rapidité..! Digressions et dilutions interdites..Economies de mots..!
C'est peut-être, effectivement, au creux de la nouvelle qu'on voit tout le talent d'un auteur..!
A mon sens, écrire une bonne nouvelle, me parait un exercice plus redoutable que celui d'entreprendre un roman..!
Matheson et Bloch en opérations "coup de poing", Ballard tout en finesse et en lenteurs..! Brown en hoquets de rire..! Sternberg tout habillé de pessimisme..!
Et par dessus tout: ce "Fiction" de chez Opta, à parutions aléatoires, aux contenus incertains, traversant 4 (ou 5) décénies, abreuvant l'amateur de SF de nouvellistes qui deviendront romanciers célèbres ou sombreront dans l'oubli..!
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RE : Plaidoyer pour une mal-aimée
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15/09/2005 à 23h28
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| | | | | | Olivier a écrit, entre autre ;) :
l'objectif de ce texte : vous pousser à lire des nouvelles, à commencer par celles (et les recueils) cités dans ce texte. |
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Alors là, Olivier, bravo !
Je peux te dire que tu viens de convaincre au moins une personne.
Ton plaidoyer est réussi, et je n'avais pas terminé de le lire que je me disais déjà que j'allais tester les nouvelles présentées. Ca m'a donné envie.
Merci pour votre enthousiasme à tous, et vos conseils, car je crois que c'est une partie de la littérature, bien moins connue que d'autres, qui mérite assurément de l'être plus.
| | | | | | Trevize a écrit :
Apres tout si l'auteur ne sait pas faire passer son message en moins de pages c'est a mon avis qu'il se perd dans ses délires litéraires. |
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Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi. Le genre est différent, le but est différent et le style l'est forcément aussi.
J'imagine que quand tu te lances dans un roman, tu réfléchis autement que lorsque tu envisages d'écrire une nouvelle. Pour cette dernière, tu dois en effet aller droit au but, ou tout au moins y parvenir rapidement.
Pour le roman, tu peux te permettre de proposer des thèmes transversaux, de digresser et autre.
Ne me dis pas que Hypérion, (pour faire classique) n'est pas un bon roman ! même s'il fait quelques centaines de pages et qu'il y ait 4 volumes (si je ne m'abuse).
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RE : Plaidoyer pour une mal-aimée
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16/09/2005 à 08h26
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| | | | | | Citation :
Je ne suis pas entièrement d'accord avec toi. Le genre est différent, le but est différent et le style l'est forcément aussi. J'imagine que quand tu te lances dans un roman, tu réfléchis autement que lorsque tu envisages d'écrire une nouvelle. Pour cette dernière, tu dois en effet aller droit au but, ou tout au moins y parvenir rapidement. Pour le roman, tu peux te permettre de proposer des thèmes transversaux, de digresser et autre. Ne me dis pas que Hypérion, (pour faire classique) n'est pas un bon roman ! même s'il fait quelques centaines de pages et qu'il y ait 4 volumes (si je ne m'abuse). |
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Totalement d'accord avec toi, Ione.
J'aime beaucoup les univers riches et bien documentés, des personnages auxquels on a le temps de s'attacher, ce que tu ne peux pas avoir dans les nouvelles. C'est pourquoi j'ai adoré les pavés de Vinge, de Simmons, les cycles, les pavés.
Pour moi, les nouvelles (exception faite de Lovecraft où chaque nouvelle apporte une pierre à l'édifice) ne me permettent pas d'en retirer quoi que ce soit, dans le sens où au bout de 6 mois, je ne me souviens de rien.
Ce n'est pas en 30 pages que l'on peut décrire un univers cohérent, cerner un personnage, voire faire les 2 en même temps, AMHA et c'est pourquoi j'ai abandonné ce format, pour le moment.
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RE : Plaidoyer pour une mal-aimée
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16/09/2005 à 10h20
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| | | | | | Citation :
Ce n'est pas en 30 pages que l'on peut décrire un univers cohérent, cerner un personnage, voire faire les 2 en même temps, AMHA et c'est pourquoi j'ai abandonné ce format, pour le moment. |
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C'est vrai que ce n'est pas le but d'une nouvelle, qui cherche plutôt le coté percutant, pour vous hanter longtemps après, comme Pauvre petit garçon de Buzzati (dans Le K que j'ai lu il y a 15 ans et dont je me souviens comme si c'était hier, et pourtant, j'en ai lu, depuis, des milliers de pages !).
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