Du rôle de la SF en littérature...

Suite à une conversation, je me suis posé une question, certes proche du grand classique qui est de définir la SF, mais pour vous : à quoi sert la science-fiction ?

Je veux dire, qu'apporte de plus à une oeuvre littéraire l'ajout d'un élément science-fictif au récit ? Divertissement ou dépaysement excepté s'entend. Existe-t-il selon vous des oeuvres de SF pointues dans leurs réflexions et dont l'élément science-fictif est essentiel ? A un tel point que si vous l'enlevez, le livre n'a plus aucun sens ou perd tout son impact initial.

Perso, je serais tenté de penser que la Tétralogie noire brunnerienne par son côté SF permet à l'auteur de mieux analyser les dérives de la société à peine perceptibles à l'époque : pollution, dérégulation des démocraties à cause des sciences de l'information, supopulation et suconsommation, communautarisme... Je vois aussi Dune (le livre pas la saga) entrant dans cette catégorie, car même si le parallèle avec le Moyen Orient et son rapport à l'Occident aurait pu être traité sans SF, l'aspect SF accentue l'impact de la réflexion en permettant à Franck Herbert d'aller plus loin dans son propos. De même que La guerre des mondes de Wells, illustration parfaite pour moi, où la SF permet de mettre le colonisateur (les anglais) dans le rôle des peuples indigènes et donc de mieux atteindre les esprits de son temps dans sa critique du mouvement colonial.

D'un autre côté, quels sont selon vous les oauvres de SF où, au final, l'aspect science-fictif n'apporte rien d'autre que du dépaysement, voir dessert le roman ?

Perso, dans cette catégorie, je pense à Starship troopers ou La guerre éternelle, deux oeuvres critiques à l'égard de l'armée pour l'une, la guerre pour l'autre mais où l'élément SF n'apporte rien de spécifique. Je dirais même que dans le cas du roman d'Haldeman, l'aspect SF dessert le récit et qu'il aurait mieux fait de parler directement du Vietnam que de travestir cela en oeuvre de science-fiction que j'ai trouvé passablement ridicule.

As t'on vraiment besoin de savoir à quoi sert la SF ?
Est ce obligatoire pour la Littérature de servir à quelque chose ?

A quoi sert la SF ?

Eh bien, si on veut parler de l'inconscient collectif, et de la façon dont les archétypes hypothétisés par Jung nous influencent, 2 solutions : soit on fait des recherches ch*** en psy, et un bouquin hyper-ch*** à lire par 12,5 spécialistes et 50,25 étudiants forcés et blêmes, soit on écrit Les Futurs Mystères de Paris. Et on les lit avec plaisir.

Si on veut réfléchir sur la différence des sexes, et sur les fausses (?) évidences qui nous viennent du berceau, et même avant, on peut écrire "Les femmes viennent de Vénus, les hommes viennent de Mars" et en faire un best-seller, ou La main gauche de la nuit, en faire qqch d'intéressant (pour certain-e-s) qui porte à penser, et donne envie d'écrire à l'auteure des Chroniques citées ci-dessous.

Je pense aussi aux romans post-apocalyptiques, notamment à mes chères Chroniques du Pays des Mères, ou à Fausse aurore, qui mettent en situation nos éventuels futurs descendants, dans un monde soit encore pollué et au climat détraqué, soit envahi par la violence et les mutations.

Et sinon, bien sûr, et pour plussoyer sur Steal' : A rien d'utile, évidemment, c'est ça qui est bien ! A se faire plaisir, c'est tout (c'est déjà pas mal, eh eh...)

Je rejoins Steal. Je lis de la sf parce que C'EST TROP GENIAL!!!! Je ne me pose pas de questions existencielles la concernant...

		Citation : As t'on vraiment besoin de savoir à quoi sert la SF ?

Pas pour apprécier un livre, c'est vrai... ne te méprends pas, mon but n'est pas de donner un place "noble" à la SF sous prétexte qu'elle serait "utile" mais de savoir en fait comment ce genre littéraire peut être perçu : juste un divertissement, ou bien plus encore, ou autre chose et que sais-je encore ? L'objet de ce thread est de réfléchir sur la SF en terme différent de d'habitude de qualité narrative, de divertissment, de dépaysant, etc.

		Citation : Est ce obligatoire pour la Littérature de servir à quelque chose ?

Là tu touches le centre même de mon interrogation. Car au delà du rôle éventuel, nécessaire ou non, de la SF, se profile en effet celui du rôle de la littérature...

Pour paraphraser queqlqu'un d'autre, la magie de la sf, pour moi en tout cas, c'est la véritable "rupture avec le réel" qu'elle permet de procurer.

D'où mon goût très limité pour la hard-science et mon goût quasi illimité pour le SO et le NSO.

Pour moi, la SF me parle d'un avenir possible, d'un ailleurs possible, à partir d'un présent connu et éprouvé, et me donne à réfléchir agréablement. Mais c'est vrai que, toute blague et provoc' à part, la distraction "pure" ne me suffit pas, ou ne me retient pas longtemps.

C'est grâce au Babel 17 de Delany que j'ai vraiment commencé à réfléchir sur le fait que nous habitons les mondes construits par la/les langue(s) que nous parlons. Chroniques du Pays des Mères est venu après, sur un terrain fertilisé...

		Citation : Perso, je serais tenté de penser que la Tétralogie noire brunnerienne par son côté SF permet à l'auteur de mieux analyser les dérives de la société à peine perceptibles à l'époque

Je pense effectivement qu'une partie de la SF a un role de "loupe" et offre un outil puissant pour analyser nore monde actuel et/ou en devenir (Brunner, Ballard, Ecken, Le Guin ect....)
La SF est souvent une metaphore de notre monde, avec tout ce que cela comporte... (effet grossissant mais aussi simplification permettant de faire ressortir le noeud d'un probleme donné -les dépossédé de Le Guin, 1984-, extrapolation -Brunner-, , poesie-Bradburry- ect...)
Cela mis à part, je voie surtout la SF comme une lecture d'évasion. Ces deux aspects etant d'ailleurs etonnament complémentaires: on s'evade de notre monde pour mieux y reflechir. C'est je pense ce qu'on peut appeler "prendre du recul".

Le problème, c'est que la SF est un genre extrèmement vaste et hétéroclite.
J'aurais tendance à dire que le rôle de l'élément science-fictif (ou fantastique) est de s'affranchir des contraintes matérielles du monde, afin de pouvoir plier la réalité à son sujet. D'ailleurs AMA, la SF n'est pas un moyen, mais la conséquence d'une démarche :
Je veux écrire une histoire -> Pour celà j'ai besoin de tel élément -> Cet élément n'existe pas dans la réalité -> Mon histoire sera de la SF

Mmmm, je pourrais imaginer une autre démarche de la part de l'écrivain, qui serait plutôt de l'ordre de "ET SI la réalité était différente (par ex. ET SI les femmes étaient les éléments dominants, ET SI les êtres étaient asexués la plupart du temps, ET SI certains d'entre nous étaient en contact avec l'inconscient collectif....) => cette réalité n'est pas la nôtre => j'écris de la SF, et comme je suis un-e bon-ne écrivain-e, je construis une histoire et des persos qui tiennent la route pour servir mon propos.

Ce n'était qu'un exemple.
La démarche que tu exposes me semble assez typique d'un "roman-univers".

Mais fondamentalement ça revient au même : c'est l'idée de base qui fait verser l'histoire dans la science-fiction ou non.