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| | Syliodj :
hmmm... Cyberpunk ?!!! Mais encore ? |
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Ouaich… Ca risque d’être un peu longuet mais je me lance. Merci aux experts de Culture SF de bien vouloir corriger mes inexactitudes probables et mes oublis certains.
Cyberpunk = cyber + punk
Cyber évoque la cybernétique et donc la science de contrôle et de communication des systèmes (vivants ou non-vivants). Au menu donc : l’être humain et ses possibles "extensions" (prothèses), informatique (réseaux) et intelligence artificielle, nouvelles technologies, etc...
Punk fait référence au mouvement de contre-culture punk de la fin des sixties et des seventies où des jeunes qui avaient grandi au milieu de discours pseudo-utopistes prônant la société de consommation ont souhaité finalement se démarquer des modes de conduite conservateurs.
Le mouvement punk est celui d’une jeunesse désabusée qui ne croit pas en son avenir et qui fait du slogan
"No future !" son leitmotiv. Le refus de
l’establishment se manifeste par une musique bien spécifique et l’usage du corps comme outil d’expression : cheveux teints, maquillage, mutilations et recherche de nouvelles perceptions via la consommation des drogues.
Le cyberpunk serait ainsi l’expression d’un mouvement des années 80/90 qui amalgamerait deux domaines jusqu’alors disjoints : la haute technologie et la contre-culture.
L‘individu est souvent dépendant de la technologie comme il le serait d’une drogue et il y a là une sorte d’aliénation. L’archétype en serait le hacker (le pirate informatique) et son besoin de
"jack in" i.e. de se connecter au réseau informatique. Le hacker est un type comme tout le monde à cette différence près qu’il est un virtuose de la technologie et qu’il est ainsi capable de s’approprier cet instrument de pouvoir qu’est l’informatique pour en faire un instrument de contre-pouvoir.
Mais si le slogan
"Information wants to be free" montre ce souhait d’affranchissement vis-à-vis des pouvoirs traditionnels, il révèle également un souhait évident d’extension du champ de la conscience. En effet, en faisant disparaître la technologie en tant qu’obstacle matériel, le cyberpunk brise la séparation naturel/artificiel. Il permet donc non seulement à l’individu de se transcender matériellement (par l’usage de prothèses par exemple) mais également spirituellement par un sentiment de conscience "élargie".
La littérature SF cyberpunk est le reflet de tout cela. Classiquement, elle relate des histoires se déroulant sur une Terre polluée, surpeuplée, gangrenée par une criminalité stupéfiante gouvernée de fait par des multinationales sans scrupules, un monde où la maîtrise de la technologie devient une condition sine qua non de survie.
Ce sont des écrivains comme
William Gibson,
Walter John Williams,
Bruce Sterling,
Neal Stephenson,
Norman Spinrad et tous ceux que j’oublie qui ont donné à cette littérature extraordinaire ses lettres de noblesse.
Au-delà de toutes les considérations sociologiques que ce mouvement littéraire a suscitées – considérations aujourd’hui reprises avec sérieux par les cyberanthropologues – force est de constater que cette littérature a souvent été la source de textes d’une poésie fulgurante où une odeur de friture, la lumière glauque d’un néon ou bien le bruit de la pluie tombant sur un vieux tas de ferraille ont souvent été pour moi la source d’émotions rares et violentes probablement parce que tout cela se faisait reflet de certaines situations fondées sur certaines idées avec lesquelles je communiais.
Ajoute à cela que la notion même de cyberespace (espace virtuel créé par les réseaux informatiques) où l’esprit désormais doué d’ubiquité se dissocie du corps, confère à cette littérature a une dimension métaphysique indéniable ainsi que le souligne
David Porush et sans doute d'autres.
.
A l’heure où certains (je pense à
JM Truong mais aussi à des chercheurs du MIT) s’intéressent de près à
"la conscience crépusculaire" d’Internet, où
les neurosciences font des bonds de géants et où l’on parle de
la convergence NIBC, on ne peut que rendre hommage à cette littérature de précurseurs.
Tout cela a probablement plus ou moins consciemment été honteusement pompé dans tous les rateliers auxquels je me nourris entre autres :
[1] Bruce Sterling Mozart en verres miroir (anthologie cyberpunk)
[2] L’apport des récits cyberpunk à la construction sociale des technologies du virtuel – Thèse passionnante de André-Claude Potvin – Université de Montréal
[3] L’encyclopédie wikipedia
[4] David Porush Transcendence at the Interface: the Architecture of Cyborg Utopia
[5] Philosophie et Science-fiction Ed. Vrin (2000) Coordination scientifique de Gilbert Hottois - Université libre de Bruxelles.
[6 ] Qu’est-ce que le cyberpunk ? littérature et contre-culture - George Lapassade (universitaire)
[7]Articles de Maxence Grugier (journaliste)