The Horror ! The Horror !

Petit bilan de ces "nouvelles déviances" :


J'entamai cette anthologie avec l'espoir d'en retirer des noms à considérer dans le domaine français (que je connais mal) des littératures de "mauvais genres" et au final l'objectif est largement atteint : merci, BdN ! ^^

Par rapport à l'anthologie féminine Nous parlons depuis les ténèbres, que je lisais dans le même but, Les nouveaux déviants propose un panel d'auteurs et autrices aux tropismes sensiblement différents, au vu de leurs bibliographies : du fantastique/horrifique vers la fantasy pour les unes ; des mêmes genres vers la SF, le polar ou la littérature générale pour les autres.


Sur dix-sept récits (dont une reprise*), tous ne sont pas à mon goût, forcément, mais il n'y a guère que deux ou trois que je trouvai faibles :
deux monologues intérieurs de marginaux (Le Soleil noir au milieu des planètes de Mathilde-Marie de Malfilâtre ; 13/11 de Simon Johannin) et les fables post-soviétiques de Deux miracles à Mertvecgorod de Christophe Siébert (ces dernières pas mauvaises dans l'absolu mais moins fortes à mes yeux que les nouvelles auxquelles elles font beaucoup penser : celles du cycle de Yirminadingrad).


Pour le reste, on trouve :

_ des récits qui oscillent entre le polar et le fantastique (Aspiration d'Antoine Chainas ; Les Cassettes abandonnées de Sébastien Gayraud) ;
_ des histoires d'enfants cruels, dans un cadre réaliste (Détail des circonstances de Charlotte Bourlard) ou d'anticipation (Une Famille de Sarah Buschmann) ;
_ des voix féminines fortes, dans la dystopie avec Ce qui reste de nos étreintes de Justine Niogret ou entre réalisme et fantastique dans Variations de l'effroi de l'enfantement de Luna Baruta ;
_ un nouveau démarquage habile sur un mythe fantastique par Morgane Caussarieu (Rasta Boy) ;
_ des relations homosexuelles crues, en science-fiction (Un Monument de chagrin de Nicolas Martin) ou littérature générale (Gloria de Alexandra Dezzi) ;
_ une nouvelle étrangeté historico-fantastique par l'auteur de Pornarina (Mary Geli : autopsie d'un dragon filiforme* de Raphaël Eymery) ;
_ des histoires de ténias (AdopteUnTénia de Violaine de Charnage) et de coprophilie (Sporco - une histoire du libéralisme d'Alex Jestaire).


Mes deux coups de cœur :

_ Le Baptème de Christophe Carpentier : bloc de texte halluciné (une seule phrase, lardée de virgules) exprimant le torrent furieux des pensées d'un tueuse en quête de transcendance, dans un univers qui mélange les genres (fantastique, dystopie...) ;
_ Je suis venue vous dire que je suis morte de Vincent Tassy : cas d'érotomanie qui dérive méchamment.

(Ces deux derniers auteurs viennent d'être finalistes, pour d'autres textes, du prix Jacques Sadoul de la nouvelle, Christophe Carpentier l'emportant).

De Carpentier, j'avais lu et beaucoup aimé Le culte de la collision ou la quête masochiste d'abjection d'un ado. C'était vraiment bien, quoique totalement mainstream.
Chainas, c'est pour moi l'un des meilleurs écrivains actuels, et de très très loin.
Un virtuose du pavé (dont l'épaisseur me rebute habituellement). Versus est certainement l'une des pires claques de ma vie. Une plongée vertigineuse dans l'abjection, où l'auteur, grand amateur de Pocket terreur, ne retient strictement aucun coup.
Caussarieu, LA révélation de ces dernières années, qui maitrise enfin pleinement sa plume.

Je ne sais pas si tu connais le roman Londres Express de Peter Loughran, que Manchette tenait en très haute estime.,
Nous sommes dans un train type tain corail, et surtout dans la tête d'un matelot. On comprend qu'il a eu une enfance de merde, et qu'il s'est battu la veille et que ça a mal tourné, puis il se concentre sur ce que lui inspire les autres voyageurs du compartiment, c'est assez amusant (les bonnes sœurs titillent son anticléricalisme) et ça vire à l'inquiétant dans un crescendo toujours plus terrifiant.
C'est de l'horreur mainstream, avec une fin absolument inoubliable, une véritable apothéose.
Si tu as l’occasion / la chance de tomber dessus, n’hésite pas : je crois que Le Gaidol le tient lui aussi en très, très haute estime.
Il y a aussi La belle vie de Matthew Stokoe, traduit par Chainas. Il raconte l'histoire d'un type parti de vraiment rien à Los Angeles, qui va tenter d'y percer, porté par une absence absolue de tout scrupule. Il y fera les pires boulots, passant de la vente de hot-dogs à la prostitution auprès d'une clientèle aisée et déviante, assistera à des horreurs, mais ne perdra jamais de vue son objectif.

Merci pour ces recommandations, Olivier !

Londres Express, c'est un titre qui me dit quelque chose...
Je ne sais si c'est chez LeGaidol ou Manchette que j'en ai lu grand bien : faute d'en trouver trace sur le blog du premier, je vais chercher dans les Chroniques du second... ^^

		Olivier : le roman Londres Express de Peter Loughran, que Manchette tenait en très haute estime.,

Manchette en parle bien dans ses Chroniques, en quelques lignes. Les premières ressemblent à ce que tu en dis ; la suite :

"(...) Il y a des pages de ratiocinations sur le sens profond des graffitis de chiottes, par exemple, à ne pas manquer. En face du héros, dans le compartiment, se trouve une fillette angélique et propre sur elle, avec socquettes et tout, et bien sûr ça finira par tourner mal. En attendant il faudrait remonter à Steinbeck et plutôt même Faulkner pour trouver un personnage d'idiot musclé aussi saisissant et émouvant que le pitoyable colosse de Londres-express."

Pour information, Loughran a récidivé avec Jacqui au très recommandable éditions Tusitala.