Le mot du mois de juin

Je suis voleur de mémoire , ben quoi ? y a pas de sot métier et il faut bien vivre.
La dernière victime ? Un certain Stegg .Pourquoi lui ? Bah , une vie ordinaire avec un soupçon de fantaisie. C'était ce que voulait le client .
Un client particulier à vrai dire.
Je l'avais de suite reconnu , un certain acteur américain adepte et égérie de la scientologie. Apparemment en disgrâce auprès des majors hollywodiennes, il voulait fuir sa vie qui devenait merdique . Sa femme était parti avec son ex-femme et sa gamine anorexique. Le nouveau gouvernement en place avait classé comme secte son église et le poursuivait en justice pour appel à la haine raciale et des impôts impayés depuis 15 ans ...
Il avait toujours aimé la France et le profil que je lui avait proposé lui convenait parfaitement.
Donc aussi tôt le virement électronique passé je me mis en route pour ponctionner la mémoire de ce Stegg.
Il fût facile de se procurer le produit . Le réseau est cautionné par les gouvernements du monde entier car certains politiques ont eu un jour à faire à nous pour des raisons X ou Y.
Nous sommes l'ombre tapit dans la nuit et personne ne sait qui nous sommes vraiment . Mais existons nous vraiment . Peut être que nous ne sommes que le fantasme de quelques déséquilibrés en mal d'une nouvelle vie...

Le miroir est piqueté d'absences. Le tain sur l'envers s'écaille. Mouchetures d'ombre sur l'endroit en constellations inversées. Le visage de l'homme s'étale entre les piqures d'étoiles noires, se lit sur la surface réfléchissante tendue entre les astres.
Il pourrait s'y voir comme un dieu, alors qu'il n'est déjà plus rien.
La faute du prêt-à-tourner.

Des trainées rouges, des virgules sanglantes cinglent la faience blanche du lavabo...

Glougloutte l'oeil du siphon. Larmes de sang en spirales concentriques torchant l'émail..
"Qui suis-je..?"
Sa part humaine se dilue. "Un peu de vin dans l'eau" dirait quelqu'un effleurant sa mémoire qui, peu à peu, se vide. Sa part cybernétique s'en va. Et il ne la voit pas dans les tourbillons rougis..

Il aurait tant voulu avoir la preuve. Surtout ne pas se tromper.

Globules rouges, octets blancs. Hématies et loctetcytes en vadrouille. Son corps se révélant, il y a peu, disque dur sans mémoire propre..!

Le robinet saigne du nez, lui de la béance de ses veines lacérées. L'appel du scalpel ce soir au fond de la salle de bain. Savoir. Est t'il homme..? Est t'il bête..? Mi-homme mi-bête..?

"Réponds..Qui suis-je..?"

Du bout de la langue, de la pointe du doute, la question jaillit. Le cri, laché à deux doigts du miroir, s'enroule entre brosse à dents et dentifrice, s'accroche aux volutes de vapeur, rebondit sur la faience blanche et humide, s'immisce sous le rideau de douche et la porte fermée...

Une récente cicatrice depuis trois jours le fait douter. Là, à la pointe externe de l'oeil droit.
Putain de branche de cerisier, mal coupée, invisible dans le feuillage.
Douleur. Ecorchure. Sang. Soins.

Et à l'ablation du pansement, sous la croûte décollée de la pointe de l'ongle, la cicatrice. Une minuscule silhouette en fil de fer stylisé. Celle d'un unijambiste couché, bras ballants symétriques, épaules décalées*.

*Universal Serial Bus Plug and Play

-Check-up reprogrammation mémorielle OK, qu'il a dit le Doc.
_"Te v'la paré..!" de rajouter.
Et de me larguer dans la rue.
_"Tu connais le chemin..!"

Maintenant, oui, pour sûr. Car j'avais tendance à tout oublier ces temps derniers. Faut pas trop en demander à un vieil Androlaquais pourri et rouillé. J'ai beau être fidèle comme toutou à sa mémère, j'ai tendance à m'émanciper dans l'oubli avec la sénéscence. A ce qui parait, hier, au lieu de rentrer chez le Maitre je... mais je m'souviens de rien.

Coma hypoctésien qu'il a dit le Doc. Mais j'étais pas là quand il a fait le diagnostic. Enfin: mon corps si, mon esprit non. J'avais le taux d'octets dans les chaussettes. Et y'avait un trou au bout. Affalé sur le trottoir, je me vidais de mes souvenirs, j'alignais plus les lettres, des paquets d'octets filaient dans le caniveau. Putain de tonneau percé. La fin de vie c'est comme çà. Y'en a qui s'y font, moi pas. Si un Andro en bout de route a même plus la matière première pour faire le bilan des choses de sa vie, à quoi çà lui sert de les avoir vécu.
Maintenant, après réhabilitation mémorielle: çà m'fait tout drôle. Un échange standard, comme d'hab pourtant. J'devrais avoir l'habitude, j'en suis au sixième. Mais j'm'y fais pas. L'impression, à chaque fois d'être un autre, de m'être fait refiler les souvenirs d'un autre.

Faut pas réagir en parano.
Allez..! Se motiver. Courage.
Vrai j'me sens neuf, bourré de tout ce que le Mecanodoc a mis dans mes barettes-mémoire.
Et ce qu'il m'a donné le Doc, moi, je le retiens; çà reste gravé dans ma tête. Je sais tout par coeur, sur le bout du doigt.Le nom de mon proprio, son adresse, ses petites habitudes.
J'ai confiance. Une nouvelle vie s'ouvre. Elle commencera avec les premiers ordres du Maitre.

En attendant, faut que je rentre.
Je marche. Foulées souples. Pied droit. Pied gauche. Bras ballants, tête haute. Je connais le chemin. Sacré bout de route, faut dire. Accélérer. Mon rythme cardiaque augmente. Je sens les blattements de mon... menton dans ma cage cranienne derrière le sterpium. Inspoiration. Expirtation. Mon poithrax se soulève. Olxygénation forçouille: çà fait du bien, çà aide les nieuromes. Je relfléchis pieux..
Un point de côté. Pas normal. Pas normal. Je stoppe et me comprime le flanc du bout de mon aile droite. Je tire la mangue de ma douche, comme un essoufflon. Gre, je sens que je m'empatouille à nouveau. C'est la vase, c'est la vase....... J'ai pu les dents en face des orpteillons............ Je frissouille char de pioule. ........J'vas crevette puis-je sûr la trogne dans le canivioule bec dans l'eau...... Je sens ma piourger de tout. Poustaille. C'est la Glande Vidange..!

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>><< C'est complètement nul, mais çà me fait rire..! [ ]

Ah zut, j'ai oublié de faire un texte pour le mot du mois de juin... !