Ridicule, dites-vous ? C'est pourtant la découverte aussi surprenante que malheureuse que va faire Luke Devereaux, écrivain de science-fiction en mal d'inspiration, lorsqu'un soir de pleine lune le premier de ces petits êtres verdâtres viendra toquer à la porte de son spartiate cabanon isolé en plein désert californien et s'invitera dans sa vie. Ceci après lui avoir benoitement révélé que sa petite amie le trompait et lu, hilare, les mots doux échangés par les deux tourtereaux !
Dès lors, les indésirables envahissent la planète, répandant sans vergogne les secrets les mieux gardés, s'invitant dans votre chambre à l'occasion de votre nuit de noce, troublant effrontément les parties de poker entre amis en dévoilant au passage votre jeu, ou interrompant grossièrement les meilleures représentations théâtrales. En quelques jours, l'anarchie s'installe tandis qu'inévitablement les nerfs lâchent et que les plus endurcis des psychiatres craquent l'un après l'autre. D'autant que si la raison de leur venue demeure un inébranlable mystère, on ne sait pas même s'ils repartiront un jour : rien, de la magie d'illustres sorciers africains aux bricolages de fortune de quelques génies bidouilleurs au fond de leur garage, ne semble en effet pouvoir mettre fin aux exactions morales de cette vermine stellaire, surtout pas les bons vieux coup de pied au cul puisque les malotrus sont étrangement intangibles et qu'ils sont capables de se téléporter où bon leur semble...
Luke Devereaux cependant, après un premier choc salutaire, aidé par une imagination aussi débordante que débridée, va s'investir de la mission de bouter l'ennemi hors des affaires terrestres... Mais y a-t-il seulement une échappatoire ?
« Salut Toto, c'est bien la Terre ici ? »
Absurde et iconoclaste, voilà sans aucun doute les termes susceptibles de décrire au mieux « Martiens, go home ! », roman signé par un grand de l'humour et de l'histoire à chute, devenu classique parmi les classiques dans le domaine de la littérature de science-fiction.
Fredric
Brown
passe à la moulinette de l'humour tous les poncifs du genre et parodie volontiers la SF de l'immédiat après-guerre, depuis le fameux syndrome de la page blanche jusqu'aux martiens évidemment verts et leur invasion tout aussi pacifique au sens habituel du terme que catastrophique pour l'humanité. Les clins d'œil tant aux œuvres littéraires que cinématographiques se succèdent, en particulier à destination des grands maîtres du genre comme Wells et sa « Guerre des mondes ».Ainsi, « Martiens, go home ! », s'il fera tout au plus sourire un lecteur n'ayant pas connu l'âge d'or du cinéma kitsch, et malgré, reflet de l'époque, quelques piques éminemment critiques envers le communisme, s'avère d'une lecture extrêmement plaisante : il s'agit en somme d'un roman léger, divertissant, que l'on dégustera avec la plus grande délectation et sans modération pour son non-sense exquis et son premier degré jubilatoire. On se régale, et on ne demande qu'à se resservir !