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vda

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L'orange mécanique

Anthony Burgess


L'orange mécanique
Traduction : Antoine Volodine, Georges Belmont
Illustration : Dimitri Selesneff
Titre original : A Clockwork Orange
Première parution : 1962

 Pour la présente édition :

Editeur : Robert Laffont

La critique du livre
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Alex n’a pas quinze ans. Il terrorise ses parents. Avec trois autres jeunes de son âge, la nuit, il se livre à une violence sans but. Sous un masque, ils volent les commerçants, tout en les maltraitants. Ils se confrontent avec d’autres groupes de leur âge et de leur genre. Ils s’invitent dans des maisons, brutalisent et violent leurs habitants.
Alex se pense leader. Quand ses drougs remettent en question son autorité, il les suit dans un cambriolage, les devance, se fait prendre. Le temps des centres de redressement est passé. La petite vieille est morte des coups qu’Alex lui a assénés avec une statuette d’argent. Il est condamné à quinze ans de prison.

L’univers carcéral n’est pas un enfer pour le jeune Alex. Il joue de son hypocrisie auprès du chapelain et tout en lisant l’Ancien testament lequel ne regorge semble-t-il pas de bons sentiments, écoute avec volupté la musique qu’il place si haut : Mozart, Beethoven…
Les cellules de la prison sont surpeuplées. Six détenus pour un espace prévu pour trois. Lorsqu’un septième prisonnier intègre la cellule d’Alex, la grande-gueule, l’arrogance du nouveau ne plaît pas à tout le monde, encore moins à Alex qui ne veut pas qu’il dispose et de sa couchette et de son corps. Au matin, le nouveau sera mort, des coups reçus de ses co-détenus, de ceux donnés sans retenue par le plus jeune.
Justement, le ministère de l’Intérieur développe une technique médicale affectant le comportement. Alex qui ne souhaite qu’échapper à la prison, signe. En quinze jours de traitement, il retrouvera la liberté. Tout ce qu’il a à faire est de regarder des films où scène violentes se succèdent. Elles le rendent malade, alors que pour lui la violence a toujours été un plaisir. Heureusement, il est sanglé pour les séances de cinique. Au terme de ce traitement, le jeune garçon, photographié par la presse, est libéré, incapable de tout acte de violence, ne serait-ce que de défense, incapable d’écouter sa musique.

Ses parents lui préfèrent leur pensionnaire. Les petits vieux de la bibliothèque municipale lui rendent les coups anciens, les miliciens l’emmènent à l’extérieur de la ville et s’en donnent à poings serrés.


Sur la forme du livre, le " je " du narrateur pourrait faire du lecteur le protagoniste de l’histoire. Deux éléments rendent cette intériorisation d’Alex impossible. En premier lieu, la violence pure et sans raison que manifeste le jeune garçon, et qui paraît être son moteur. En second lieu, le langage qu’il emploie. Emaillé de mots d’origine russe et tzigane, de visuels (personne ne pleure, chacun fait bouhouhou, …), forme un filtre.

Le langage des moins de vingt ans que parle Alex et ses complices est celui des jeunes qui la nuit, en petites meutes, dans les rues, se livrent à une violence animale. Le fait de devoir donner sens aux termes étrangers, qui s’intègrent nombreux aux phrases du narrateur Alex, forme un écran de brume et éloigne la compréhension immédiate du texte. La brutalité, outre que l’auteur ne fait preuve d’aucune complaisance en développant les scènes de violence dans le détail, en est comme tenue à distance. Jamais le mot sang n’est employé, et pourtant il coule, gicle, s’échappe en abondance de toutes sorte de plaies.

Ce langage si particulier est aussi une manifestation de la distance existant entre les jeunes et les adultes. La jeunesse est incontrôlée, avide de vie et de plaisir, fussent-ils malsains et contraires à l’ordre public. Elle est proche de son animalité. L’univers des adultes au contraire est comme domestiqué. Reprenant ses droits le jour, le monde adulte travaille, reste dans le rang, se plie sans révolte aux règles.

Et la violence n’est pas que brutalité aveugle. Elle est aussi castration des pulsions. Elle est aussi asservissement au nom du pouvoir, canalisation des forces brutes dans une option de contrôle et de gouvernance.

Le film de Stanley Kubrick est en deux temps, renvoyant la violence comme un boomerang. Le livre d’Anthony

Burgess

en trois temps est plus complexe me semble-t-il, plus dérangeant. La frénésie des images et de la musique donnent au film une puissance choc immédiate que n’atteint qu’en toute fin le livre. Le livre n’apporte pas plus de réponse que le film. Il est toutefois plus ambigu.




L'orange mécanique dont on a pu lire des extraits, en feuilleton dans "Le Nouvel Observateur", restera sûrement l'un des romans les plus marquants de ce temps, parce qu'il est notre époque. Ne serait-ce qu'à ce titre, on peut assurer qu'il demeurera, tout comme le film qu'on en a tiré est déjà classé parmi les chefs-d'œuvre des cinémathèques. Alex, "l'Humble Narrateur et Martyr", et aussi le héros de l'histoire est le parfait produit d'une civilisation où la violence est devenue une habitude - non pas l'expression d'une révolte, mais l'expression tout court, manifestée par le langage et les actes de certains, exercée en représailles par les gens du Bien et de l'Ordre, passivement subie par la masse. Civilisation d'aveugles titubant et distribuant ou recevant les coups dans une nuit absolue. Les adolescents comme Alex (il n'a pas quinze ans) ont été élevés dans cette violence. Leurs bandes terrorisent la métropole et se terrorisent entre elles. Mais le jour où Alex, qui est un pur à sa façon, est lâché par ses "drougs" (ses copains) et arrêté par les "milichiens" de la "rosse" (la police), c'est pour être jeté dans une autre violence, celle des prisons. Et quand on essaie sur lui des méthodes nouvelles de "récupération" sociale et de rédemption , c'est au viol de sa conscience que l'on procède scientifiquement, par le conditionnement, et à des fins de propagande politique... L'orange mécanique, ce serait le livre du désespoir de notre temps, s'il n'éclatait d'humour à chaque page, au point d'en être profondément salubre. Et puis, il y a le langage - révolutionnaire, c'est le moins qu'on puisse dire, et si contagieux qu'on ne serait pas étonné d'en entendre bientôt les échos dans la rue.


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