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Olivier

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02/09/2004
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Dans tes veines

Morgane Caussarieu


Dans tes veines
 Pour la présente édition :

Editeur : Au Diable Vauvert

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (3 réponses)

Je n’aime pas le sang mais j’aime l’ail, ma relation aux vampires est ambivalente, et pourtant ce livre est un chef-d’œuvre ! Avec cette réécriture bienvenue, Morgane

Caussarieu

s'impose comme une figure incontournable, confirmant la justesse des jurés du Prix Masterton.

Je n’aime pas les vampires. L’horreur gothique, avec ses châteaux de pacotille sur un pic rocheux au milieu d’une forêt de chênes ou de sapins, m’insupporte.
Toutefois, quelques œuvres mordantes suscitent en moi une vive admiration.
Martin reste le chef-d’œuvre méconnu de Romero (avec Knightriders hors cinéma de genre). Son approche résolument urbaine du vampire, dans un paysage urbain d’une Rust Belt déjà à demi-sinistré par la désindustrialisation en cours, qui anticipe Maniac ou Henry : portrait of a serial killer rompent totalement avec le gothique à la Hammer. Son ado trouble et gauche, autre atout majeur du film, est l’un des plus beaux vampires du cinéma.
J’aime aussi énormément la façon dont Vicente Aranda, dans La mariée sanglante arrache à Carmilla ses oripeaux gothiques de son château entouré des forêts de la Mitteleuropa pour une Espagne au franquisme agonisant avec une esthétique qui rappelle le giallo. C’est certainement l’un des chefs-d’œuvre les plus méconnus des films de vampires. Et un parfait témoignage du cinéma contestataire espagnol, obligé d’opter pour le cinéma bis afin de contourner la censure. Ainsi qu’un film bien glauque, comme je les aime. Car pour moi, le vampire se doit d’être glauque et urbain, surtout pas romantique (au sens artistique du mot).
Au niveau littéraire, j’aime tout ce que Matheson a consacré au vampire, puisque là encore, roman comme nouvelle, il évacue le gothique pour de l’horreur urbaine. Pour ce qui est de La Nouvelle-Orléans, il va sans dire que Rice me sort par les yeux, d’autant plus que la généalogie et ses histoires de familles m’inintéresse au plus haut point. Et puis les cycles qui s’étalent sur des siècles au fil des pavés, ce n’est vraiment pas mon truc. [Interstice néo-polar] Je n’aime les pavés que lorsqu’ils volent dans la rue. [/Interstice néo-polar] Par contre, j’adore Ames perdues de Poppy Z Brite, qui redonne au vampire son aura sulfureuse dans une Louisiane fauchée, à rebours des patriciens sudistes. Dan Simmons, avec ses énormes sabots reste pour moi l’un de mes pires souvenirs. (Et ce, bien au-delà de ce seul roman pour ce compilateur totalement surestimé, véritable Dantec US dont il partage apparemment jusqu’aux idées). Par contre, j’avais adoré le mélange de tous les clichés du vampire avec le polar, opéré par Marc Behm dans son hilarante Vierge de glace, drôle comme le meilleur Westlake.
Bref, les vampires et moi, c’est compliqué. Le tome que Dorémieux leur avait consacré était nettement en dessous des zombies qui ont, eux, toute ma sympathie.

Donc, venons-en au roman.
Nous sommes à Bordeaux, dans les années 90. Une bande de vampires, famille de fait, vit entre la capitale girondine et sa campagne.
JF, musicien sur le retour, qui avait quitté Bordeaux pour Londres pendant le punk, où il a connu un petit succès musical. Il en est revenu vampire et n’a pas vieilli depuis. Impulsif jusqu’à en être incontrôlable, il a hérité de la ferme de ses parents dans la cambrousse girondine.
Seiko, la femme fatale japonaise.
Damian, jeune homme au charme fatal, certainement le plus raffiné et le plus intelligent.
Et enfin Gabriel, condamné à rester à jamais dans son corps d’enfant, dont il sait jouer à merveille.
Sans oublier leur molosse, Dracula.

En ce jour, c’est Seiko qui monte la garde diurne.
Un cadavre a été retrouvé vidé de son sang à proximité de la ferme. Deux flics frappent à la porte, pour une enquête de voisinage.
Une femme, et son ancien amant, le père de la jeune Lily.

Lily Baron est une ado de quinze ans mal dans sa peau, qui porte un lourd secret. Un soir, elle réussit à entrer au Bathory, la boite underground à la mode, malgré son jeune âge.
Avec sa meilleure amie, elles sont rapidement séduites par des hommes à peine plus âgés. JF, le punk sulfureux et Damian, le dandy au léger accent italien.
La rencontre aurait pu être fatale pour toutes les deux, mais Lily s’en sort de peu, en se résignant à appeler son père.

Splatterpunk’s not dead at all

Autant le dire tout net, cette lecture est particulièrement éprouvante. J’en suis ressorti essoré, comme après chacune de mes lectures splatterpunk.
La réécriture du roman en a ôté tous les excès, et l’horreur en est devenue d’autant plus percutante et viscérale. De plus, les déséquilibres entre les différents fils de l’intrigue ne sont plus là.
L’intrigue policière, bien enchâssée, trône fièrement au second plan. Les relations entre les humains et les vampires, entre humains, entre vampires restent le cœur du roman.
D’après ses interviews, l’autrice est passionnée par les vampires, comme en témoigne plusieurs épigraphes de ce roman, à commencer par une nouvelle de Matheson.
Je ne sais pas vous, mais moi, le combo nouvelle + Matheson me séduit d’emblée.
Elle se revendique également de Jack Ketchum, donc vous voilà prévenus : vous entrez dans un enfer méphitique.

Le lecteur donc, ne sera pas épargné.
Le corps est ici un élément central. Le récit de la métamorphose de JF en vampire est un petit chef-d’œuvre cronenbergien, avec cet homme qui vomit ses organes devenus inutiles et putrides, ainsi que sa graisse. De même que son autopsie, qui révèle ce corps nouveau et résilient, presque immortel et taraudé par de violentes faims de sang.
Tous les corps sont utilisés, à commencer par le corps féminin, celui de filles devenues femmes. La sexualité des vampires, et leur soif de sang, est donc évoquée très crument. De leurs problèmes érectiles par manque de sang aux phéromones qu’ils émettent, pour séduire et manipuler leurs futures victimes. Une manipulation aidée par la télépathie, et la physiologie, avec un corps éternellement jeune et séduisant. Voire enfantin pour Gabriel, qui n’aura aucun scrupule à s’en servir pour attirer ses proies. Qu’il joue à l’enfant perdu pour attendrir une personne bien intentionnée ou qu’il lise dans les pensées d’un pédophile pour lui envoyer les phéromones nécessaires. Splatterpunk’s undead.
Le sang est une question de vie ou de mort, et les vampires sont des prédateurs dans un état de nature hobbesien : tuer ou mourir.

Du sang et de l’horreur
Les vampires, comme tout prédateur, doivent donc tuer pour survivre et sont naturellement équipés pour. De plus, ils doivent autant que faire se peut, éviter de laisser de traces de leurs méfaits.
Poussés par un instinct de survie et les violents symptômes du manque, la nécrose progressive, ils peuvent se montrer parfois plus cruels et barbares que de raison, comme en témoigne la splendide scène du manoir (qui m’a fait louper ma correspondance dans le métro). Cela m’a rappelé de très bons souvenirs cinématographiques, de Massacre à la tronçonneuse au glacial Funny games et, bien sûr, la scène du magnétoscope dans henry, qui rappelle que l’horreur n’est pas forcément violente ou sanguinaire.
Si le roman n’est pas à proprement parler un roman d’horreur, et encore moins un polar malgré l’enquête policière, on y trouve toutefois des scènes d’une horreur viscérale à la violence et surtout à la cruauté parfaitement dosées. Le manoir, bien sûr, est à réserver à un public averti. L’entité se révèle peut-être plus glaçante encore, et vous hantera très, très longtemps.

Les humains eux, ne sont pas en reste, et utilisent leur libre-arbitre.
La famille Baron, splatterpunk oblige, est particulièrement dysfonctionnelle.
Si le père est un flic dévoué et intègre, il est aussi un père incestueux. Sa femme, dépressive, alcoolique et vieillie avant l’âge par son mariage essoufflé et sa maternité non-désirée.
Elle ne se prive pas jamais de rappeler à Lily qu’elle est à l’origine de tous ses maux, et qu’elle n’a aucune considération pour elle, même à jeun. Son père a donc toute liberté pour s’adonner à ses plaisirs pervers.
L’amour de Damian pour Lily, résolument anti-Twilignth, est à l’image du personnage : trouble et raffiné comme l’est tout bon libertinage.
La traque des vampires, et surtout de Damian par Baron père, est moins celle d’un flic que celle d’un amant jaloux. L’enquête policière, comme je l’ai dit, est donc secondaire.


Ce roman ne manque pas non de références littéraires (à moins que ce ne soit moi qui les imagine).
Gabriel n’est pas sans évoquer le roman éponyme de Lisa Tuttle. De même que la thématique corporelle, notamment féminine, esttrès présente chez elle, notamment un chef-d’œuvre comme son Compagnon de nuit.
On y trouve aussi des adolescents fascinés par le vampirisme, comme chez Brite, à commencer par l’un d’entre eux qui se fait surnommer… Nothing.
S’il s’agit de simples coïncidences, le hasard fait donc très bien les choses.

Ce roman fait preuve d’une très belle maitrise littéraire, avec ses nombreux personnages, ses différents fils narratifs. L’horreur n’annihile en rien les personnages qui, bien que relativement nombreux, ont chacun leur personnalité et leurs interactions
Quant à la violence, elle est parfaitement maitrisée, dose, et jamais gratuite. Les bondieuseries de Meyer n’ont pas eu la peau des vampires. Bela Lugosi est peut-être mort, mais les vampires et le splatterpunk, eux sont plus vivants et mordants que jamais !
Déviant, malsain, dérangeant, envoutant, nauséabond, nihiliste : ce roman a tout pour ne pas plaire à tout le monde.

Avec cette chronique, vous saurez où vous mettez les pieds. A vous d’emprunter votre chemin ou de le passer. Mais ce livre a l’immense mérite de ne jamais laisser indifférent, comme toute œuvre splatterpunk.

Je conclurai donc en laissant la parole au poète chéri du splatterpunk :

Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon cœur plaintif es entrée ;
Toi qui, forte comme un troupeau
De démons, vins [verbe venir et non la boisson], folle et parée,

De mon esprit humilié
Faire ton lit et ton domaine ;
- Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l'ivrogne,
Comme aux vermines la charogne
- Maudite, maudite sois-tu !

J'ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j'ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.

Hélas ! le poison et le glaive
M'ont pris en dédain et m'ont dit :
"Tu n'es pas digne qu'on t'enlève
A ton esclavage maudit,

Imbécile ! - de son empire
Si nos efforts te délivraient,
Tes baisers ressusciteraient
Le cadavre de ton vampire !"

PS : un peu de musique, avec ce morceau qui rythme une agonie, et qui ne cessera de vous hanter :
Bela Lugosi's Dead de Bauhaus




Un thriller vampirique culte

Nouvelle édition revue et augmentée



« Le fantastique devra désormais compter avec elle ! » - Claude Ecken, L'Écran Fantastique

« C'est vraiment l'anti-Twilight et il faut s'en réjouir. » - Jean Marigny, spécialiste des vampires

« Un road-movie au-delà du gore. » - Jean-Luc Rivera, ActuSF

« Une chose est sûre : punk's undead. » - Erwann Perchoc, Bifrost

« L'une des autrices françaises de fantastique les plus énigmatiques et talentueuses de ces dernières années. » - eMaginarock

« Caussarieu sait de quoi elle parle, et elle en parle bien. » - Gromovar

« Morgane redonne à ses créatures toute leur sauvagerie, leur égoïsme, leur déviance. Un vampire, en fait, c'est punk ! » - Christophe - FNAC Saint-Lazare



Fille prodige du genre horrifique français, Morgane Caussarieu a été distinguée par plusieurs prix de l'imaginaire, dont le prix Masterton 2022 pour Vertèbres aux éditions Au diable vauvert.





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Morgane Caussarieu



Cette critique est signée Olivier
5 réponses y ont été apportées. Dernier message le 05/10/2022 à 17h09 par Olivier

Science-fiction

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