|
Le Professeur Leedman traversait le couloir à grandes enjambées. Le journaliste le suivait avec difficultés, le dictaphone à bout de bras.
"Un omnigraphe, Professeur ? Mais qu'est-ce donc ?"
"Disons un super-polygraphe."
"Un détecteur de mensonges ?"
Leedman stoppa net, feignant l'outrage :
"Justement pas, Monsieur ! Un détecteur de VE-RI-TE !"
"Un détecteur de vérité ? Mais quelle différence..."
"On a longtemps cru, coupa Leedman, que le mensonge était l'apanage de l'être supérieur. Qu'une représentation du monde élaborée seule pouvait permettre ce jeu mesquin. L'homme ment, on le sait. Par calcul, par crainte ; purs symptômes - capacité désolante, qui, si elle est efficace dans sa recherche du moindre déplaisir, dans ses retraites les moins glorieuses, n'en est pas moins catastrophique appliquée aux choses de l'esprit.
Il ment aux autres et à lui-même, il s'illusionne, se leurre. Dans le cadre de la science, cela peut aboutir à des résultats inquiétants.
Mais voilà ce n'est pas aussi simple. On a longtemps cru que les théories scientifiques erronées, les concepts philosophiques inadaptés, étaient dus à des faiblesses, des erreurs des inventeurs. C'est la physique quantique qui nous a mis la puce à l'oreille : Une étude des erreurs théoriques scientifiques passés nous a amené à la certitude que le mensonge n'est pas une spécificité humaine. Ni d'ailleurs des entités vivantes en général. Voyez-vous, Monsieur, TOUT ment. Ce couloir ment, ces chaussures mentent, votre dictaphone ment, le réel ment. Comment voulez-vous qu'un scientifique fasse un travail honnête.
Alors, nous avons créé l'omnigraphe. Avec cette appareil, nous dépassons l'ère de la science. Nous ne théorisons plus : nous détectons la Vérité au milieu d'une mer de mensonge. Nous soumettons le réel à la question pour qu'il cesse de nous raconter ses bobards et qu'il crache le morceau !"
"Et pour l'instant, qu'a-t-il révélé ?"
Le professeur émit un soupir plaintif.
|
|