Le handicap dans la science fiction

Bonjour tout le monde !
C'est la première discussion que je lance ! (YOUPIIII) ... Et ce alors que ça fait un moment que j'ai envie de parler de ça, au moins depuis que je suis inscrite (bon ok ça fait pas SI longtemps), mais bon, mieux vaut tard que jamais.
J'ai assisté à ma première éditions des Utopiales cette année, et dans l'ensemble bien que je ne sois restée qu'une journée, je me suis énormément amusée, j'ai appris plein de trucs et les conférences ont pas mal amorcé ma réflexion et accru encore, si c'était possible, mon intérêt pour le genre !
Mais justement, une conférence m'avait un peu déçue, celle sur le handicap et la science fiction, qui à mon sens ressemblait plus à un catalogue de héros handicapés (souvent même pas tellement dans la sf) qu'à une vraie amorce de réflexion sur ce que pourraient s'apporter la sf et le handicap mutuellement...
Je lance donc ce topic pour lancer une réflexion sur le sujet, c'est bien pour un premier topic je choisis un sujet absolument pas rébarbatif pour plein de gens et puis si vous avez juste des références eh ben c'est pas grave, on refera un catalogue mais cette fois ci à l'écrit et consultable par tout le monde ! (Et avec un peu de chance je découvrirai des romans de sf qui viendront grossir ma pile de trucs à lire et me faire une base de réflexion et puis ce sera très bien aussi)

Je vais quand même éclaircir un peu le sujet, pour pas qu'on se restreigne trop (il y a des trucs auxquels on ne pense pas forcément quand on parle de handicap) : par handicap j'entends aussi bien handicap physique que mental, qu'il s'agisse de maladie psychique ou de déficience intellectuelle, ou encore des handicaps adaptatifs liés à une dissonance entre les capacités du sujet et son environnement, qui du coup voit ses capacités limitées...
Voilà, j'aimerais beaucoup avoir votre avis sur les différentes manière de traiter le sujet dans la science fiction et pouvoir en discuter !

Le handicap mental, à mon sens, répond à la notion de masse. Cette dernière, force de frappe invincible du fait du nombre, a la sensation trompeuse de posséder la normalité en tout. "Je suis normal car je suis comme les autres". Tout ce qui dépasse du rang appartient à des minorités qui se voient affubler de caractères qui poussent à la marginalité. Voir la réalité d'un autre oeil, différent, c'est être sur un chemin de quête atypique. La SF n'est que voies détournées qui conduisent les êtres "autres" à des destins hors-normes.
N'est-ce-pas le coeur de Cristal qui songe...?

Contrepoint : "Pauvre surhomme" de Vonnegut dépeint une société qui fait de la normalité (nommée égalité) un absolu au point de créer un ministère des handicaps chargé de veiller à la mise en place de mesures incapacitantes visant à désavantager les trop bien pourvus. Ainsi, les beaux sont enlaidis par des accessoires grotesques, les forts affublés de poids à trimbaler, les intelligents munis d'oreillettes leur infligeant des bruits insupportables à intervalles réguliers pour les empêcher de réfléchir...
Le handicap comme procédé normatif ici, donc.
Et la normalisation comme processus castrateur.

Salut, Arkhmr.

Merci de lancer un sujet de fond (ça manque...)


Je n’ai pas trop le temps, pour le moment, d’y participer ; mais je voulais signaler que l’émission Stade 2 a diffusé hier un reportage sur le Cybathlon, première compétition d’athlètes équipés d’appareillages bioniques (disponible en replay ici).


PS : In cauda venenum, on notera la dernière phrase du commentaire, expression d’un dédain auquel les amateurs de SF sont malheureusement trop habitués : « (…) les corps augmentés et connectés sont tout sauf un délire de science-fiction… »

Attentions aux définitions stéréotypées du handicap. Dans la vie réelle, seul 15% des handicaps sont visibles

Tu fais bien de le rappeler, stealrige.

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Au cinéma, le handicap est à l’honneur en ce moment avec la ressortie du magistral Freaks et la sortie prochaine du documentaire Dernières nouvelles du cosmos, au synopsis suivant :
« A bientôt 30 ans, Hélène a toujours l’air d’une adolescente. Elle est l'auteure de textes puissants à l’humour corrosif. Elle fait partie, comme elle le dit elle-même, d’un «lot mal calibré, ne rentrant nulle part». Visionnaire, sa poésie télépathe nous parle de son monde et du nôtre. Elle accompagne un metteur en scène qui adapte son œuvre au théâtre, elle dialogue avec un mathématicien... Pourtant Hélène ne peut pas parler ni tenir un stylo, elle n’a jamais appris à lire ni à écrire. C’est à ses 20 ans que sa mère découvre qu'elle peut communiquer en agençant des lettres plastifiées sur une feuille de papier. Un des nombreux mystères de celle qui se surnomme Babouillec… »

lacroute, Cristal qui songe rejoint illico ma liste de trucs à ajouter à ma pile de livres à lires ! (j'ai lu ta critique sur le livre, d'ailleurs, et ça m'a donné encore plus envie de le lire)... Ca me fait penser aux conférences de Josef Schovannec sur l'autisme justement, où il disait qu'être autiste est pour lui une chance, dans le sens où les autistes ne voient pas le monde de la même manière, et où il disait que les autistes avaient beaucoup à apporter aux neurotypiques. Enfin, il ne le disait pas tout à fait comme ça, mais c'est l'idée, je ne suis pas retournée écouter la conférence pour avoir la formulation exacte mais elle est disponible sur Youtube.
Ou encore, on peut penser à Docteur Bloodmoney de K. Dick, où l'enfant handicapé possède des capacités hors normes, surnaturelles, il se rend indispensable dans la communauté dans laquelle il vit mais en même temps provoque la crainte et le rejet, parce que ces capacités effraient voire horrifient, et aussi du fait de sa condition physique...
C'est transposable IRL d'ailleurs, on peut voir une certaine ambivalence des comportements envers les gens marqués par le handicap (visible donc), qui provoquent chez ceux qui ne sont pas accoutumés une fascination et un rejet... Rejet qui est pire pour ceux dont le handicap ne se voit pas puisqu'ils écopent de remarques de type "Ah mais TOI tu as ça ? Ca se voit pas !", et qui peuvent voir leur handicap nié dans le pire des cas, ou se retrouver bombardés de questions gênantes... Ce qui nous renvoie aux limites de l'individu et du privé, et en quelle mesure la médicalisation du corps ou de l'esprit repousse les limites du privé, et ce que la curiosité justifie chez les gens...

scifictif, Pauvre Surhomme a gagné le même traitement que Cristal qui songe... A lire ! L'égalité poussée à son maximum : puisque les laids ne peuvent devenir beaux, rendons les beaux laids ! La description que tu en fais est plutôt amusante à mettre en parallèle avec le fonctionnement du divertissement dans le monde actuel... Bon, sauf que pour la beauté c'est l'inverse qui se passe, mais vu vendre des produits pour être beau c'est plus rentable que vendre des produits pour être laid... (contrairement aux contenus sans réelle réflexion qui se vendent souvent mieux que les contenus à potentiel développement de l'intellect)

Jim, merci beaucoup pour le lien ! J'adore la manière dont ils font leur intro, avec de la techno, des images qui vont vite et un truc pseudo scientifique... Le traitement de la science fiction dans les médias grand public me semble toujours aussi putassier, ils n'y entendent pas grand chose et n'ont retenu que l'esthétique marquée sans aller chercher plus loin... C'est amusant à regarder, mais c'est dommage pour la crédibilité du genre... Un délire de science fiction, non mais vraiment... Médicalement parlant le délire c'est une construction plus ou moins cohérente qui dure plus ou moins longtemps (moins longtemps en psychiatrie étant un ou deux mois), qui peuvent se construire par hallucination, interprétation ou invention, et le sujet y croit plus ou moins mais il y croit. Dire que c'est un délire de science fiction, c'est... Bref. Les mots ont un sens, messieurdames les journalistes, ce serait cool de se renseigner, sivouplé.

stealrige, +1, c'est vrai que je n'ai pas beaucoup insisté dessus... D'ailleurs si quelqu'un connaît un livre de sf qui parle de handicap de communication lié à un trouble du langage, ça m'intéresse particulièrement, j'y ai beaucoup réfléchi mais je ne crois pas en avoir déjà lu sur le sujet...

		Arkhmr : une conférence m'avait un peu déçue, celle sur le handicap et la science fiction

J’ai écouté, sur ActuSF, l’enregistrement de cette conférence. Un peu légère, certes, comme beaucoup d’autres et ça tient du contexte de production : elles sont très peu préparées car elles servent autant, sinon plus, d’animations (avec les auteurs disponibles…) que de réflexions.

		Arkhmr : (souvent même pas tellement dans la sf)

Les comics de superhéros, je fais partie de ceux qui les considèrent comme constituant un genre en soi, même s’ils usent souvent des tropes de la SF…

		Arkhmr : ce que pourraient s'apporter la sf et le handicap mutuellement...

La question du handicap donne à la SF matière à nourrir une de ses thématiques majeures : celle de l’altérité.
« Voir la réalité d'un autre oeil, différent » dit lacroute : ce que la SF peut certainement proposer dans ses récits, c’est bien cette empathie, cet emprunt d’un point de vue autre, pour, dans la limite de ses capacités, en aider à la compréhension…

(Et pour les jeunes lecteurs handicapés, j’imagine que disposer de héros de fictions qui leur ressemblent plus serait apprécié.)


PS : Theodore Sturgeon est évoqué sur ce fil et je suis assez étonné qu’il n’ait pas été cité dans la conférence des Utopiales, car plus j’y pense, plus je me dis qu’il est, avec Daniel Keyes, un des grands auteurs du genre qui s’impose le plus sur ce sujet.

Peut être un peu hors sujet, mais je pense aussitôt à deux romans :

L'Homme dans le Labyrinthe de Silverberg, dans lequel une affection psychique exclut un homme de la compagnie de ses semblables. Mais peut être est-ce plus une maladie.

Limbo, où pour éviter la guerre, les hommes se coupent les membres. Handicap volontaire pour le coup.

Après, faut il considérer les innombrables mutants comme des handicapés génétiques ?

Je vous laisse juges !

		Citation : D'ailleurs si quelqu'un connaît un livre de sf qui parle de handicap de communication lié à un trouble du langage,

Persistance de la vision de John Varley
Très belle nouvelle sur une communauté de sourd-muet-aveugle
Je suis pas très Varley. Je le trouve un peu trop sexe, mais là ...