Ballard dans le Nouvel obs'

		Citation : Lorsque les gens s'aperçoivent inconsciemment que le grand rêve des Lumières depuis Newton et Voltaire, ce rêve d'un gouvernement de la raison, est mort, disons, avec le 11-Septembre, ils n'ont plus le choix qu'entre le fanatisme et le nihilisme.

Cruellement pertinent.

C'est justement cette cruauté swiftienne que je trouve jubilatoire : Ballard est suffisament misanthrope pour être lucide.

J'adore J.G.Ballard et je me suis régalé à la lecture de cet article.
un petit bémol toutefois : dans le premier paragraphe, des expressions comme "La plupart des prédictions de la science-fiction se sont révélées fausses" (confusion avec la futurologie) et "la science-fiction est morte" m'ont fait grimacer par leur côté cliché.
Heureusement, le reste est toujours aussi pertinent.

Je ne connais pas beaucoup Ballard, mais je l'ai trouvé très, trop ?, pertinent. Son analyse des banlieues est angoissante de vérité. Orange mécanique n'est pas loin.

Par contre je ne suis pas d'accord avec son analyse de la SF. Je pense au contraire que la SF est toujours vivante, mais qu'elle a évolué, changé de but. Quand à parler du siècle des lumières, un peu fossile comme opinion. A trop vouloir rester sur un mode de pensée, n'est pas cela qui a conduit à rater tout ce qu'il considère comme les oublis actuels de la SF. Maintenant la SF est-elle toujours en phase avec l'humeur de son temps ? A la lecture de l'article, on sent que l'espoir est mort. Cela expliquerait la mode actuelle de la Fantasy : quand tout est mort, qu'il n'y a plus d'espoir et que l'avenir n'est plus qu'un éternel recommencement, rien ne vaut une plongée dans un imaginaire intemporel.

( désolé si mes propos sont décousus. Ce ne sont ques réactions rapides et à chaud à la lecture de cet article très interessant )

Ca tombe bien , je viens justement de terminer Millenium People ce matin.

		Jim a écrit : un petit bémol toutefois : dans le premier paragraphe, des expressions comme "La plupart des prédictions de la science-fiction se sont révélées fausses" (confusion avec la futurologie) et "la science-fiction est morte" m'ont fait grimacer par leur côté cliché.

Je partage assez l'avis de Jim. On se fout totalement que la SF se trompe la plupart du temps sur le futur (le plus souvent je dirais : Heureusement !) Ce n'est pas une science occulte et elle ne prétend pas être prophétique !

		Ballard a dit : Mais aujourd'hui la science-fiction participe de la distraction de masse et néglige la plupart des problèmes qui se posent à nous : le conflit entre l'Islam et l'Occident, la tyrannie consumériste, le matérialisme triomphant dans une Europe qui ne croit plus à ses valeurs ni à ses dirigeants, et où la politique est devenue un racket comme un autre... Pour moi, la science-fiction est morte.

Pourtant, il me semble bien en avoir lu quelques uns ou en avoir entendu parler. Non ?

		Ballard : Quand j'étais enfant, les livres et la radio (c'était avant la télévision) entretenaient la mythologie de l'aviation. En 1930, l'année de ma naissance, le record de vitesse en vol n'était que de 200 kilomètres/heure. On inventait sans cesse de nouveaux médicaments qui allaient sauver des vies, les antibiotiques, ou l'énergie nucléaire... L'avenir semblait illimité. Les voitures américaines des années 1950 avaient un design très futuriste, comme si elles fonçaient vers l'avenir.

Autre chose qui me gène, c'est ce passéisme.
Ballard, il est de la génération de mes parents. Les années 60-70, c'est mon enfance et mon adolescence. Hier soir, je regardais un documentaire sur John Lennon. Lorsque les journalistes de l'époque qui devaient avoir entre 10 ou 25 ans de plus que les Beatles les interviewaient, les seules questions qui leur venaient à l'esprit, c'était sur la longueur inconvenante de leurs cheveux ou sur la décadence qu'impliquait forcément d'oser se montrer nus ! Alors la génération de M. Ballard : une majorité d’abrutis aux idées très très étroites. Ils croyaient en l’avenir sans doute. Mais quel avenir !
Jusque dans le milieu des années 70 on envoyait les jeunes à la guerre, de gré ou de force.
Alors dire : L'avenir semblait illimité. Les voitures américaines des années 1950 avaient un design très futuriste, comme si elles fonçaient vers l'avenir. C'est très joli, mais est-ce que ce n'était pas un peu de la poudre aux yeux aussi et déjà ! Jusqu’au jour où il y en a certains qui ont mis un sacré coup de pied dans la fourmilière !
Je n’aime pas la « prophétie » de M . Ballard : : Y a-t-il un avenir pour l'avenir ? Non. A mes yeux, l'avenir agonise. : Comme les autres, y compris les auteurs de SF, il n'en sait rien.

Tout le reste de l’article, c’est à dire la grande majorité quand même, c’est passionnant ! Même si je ne comprends pas bien ce qu’il veut dire là : « Ce qui séduit dans la violence gratuite, c'est justement sa gratuité, comme un défi au sens. Voilà la réalité insensée du XXIe siècle que j'essayais de montrer dans Millenium People ».
Pour le reste : l’ennui et la désagrégation sociale des banlieues, l’image de la société anglaise et occidentale, et le reste, ça fait froid dans le dos, mais ça semble très pertinent et vraiment sujet à réflexion.

Ce que je trouve dommage c’est que j’ai trouvé cet article beaucoup plus captivant et intéressant que Millenium people. Je regrette qu’il n’ait pas, à mon avis, su très bien transmettre toutes ces idées dans un roman.

En 1984, il y a donc 22 ans, Ballard livrait à "Science-Fiction n°1 Special Ballard" (Denoël Editeur) une interview donné par l'homme et l'auteur.. Première parution: Foundation 24, février 1982..!

Il y abordait sensiblement les mêmes thèmes mais son ton n'était pas si pessimiste.. Il semblait, entre autres, encore croire à l'avenir de la SF:

:" Oui, vraiment, c'est une époque fascinante, exactement le genre d'époque qui devrait inspirer les commentaires d'une bonne revue de science-fiction."

Alors, qu'en penser..?
Ballard toujours en prise avec son temps mais incertain de la puissance actuelle de la SF à la commenter, à la disséquer..!

L'article est intéressant, mais bon...
N' y voyez aucune gérontophobie, mais on sent bien qu'à 75 ans, le bonhomme est quand même plus tourné vers la passé que vers l'avenir.
Pas d'avenir pour l'avenir ? La formule est amusante, mais à mon avis dépourvue de sens. Quand aux thèmes qu'il prétend abandonnés par la SF, il me semble, comme l'a dit Gracie, qu'il sont bien traités par les auteurs actuels.
Reste ce regard acide sur la société, mais qui ne s'est jamais fait les mêmes réflexions ?

"Pas d'avenir pour l'avenir"
Je demande si le sens n'est pas : l'avenir, c'est le présent. A bien regarder, l'époque est quand même essentiellement tournée vers des préoccupations présentes, voire immédiates plutôt que futures.

Concernant la SF, ce n'est d'ailleurs pas de Ballard cette formule qui affirme à peu près que nous vivons maintenant dans la science fiction.

		Citation : « Ce qui séduit dans la violence gratuite, c'est justement sa gratuité, comme un défi au sens. Voilà la réalité insensée du XXIe siècle que j'essayais de montrer dans Millenium People ».

Exemple : le gang de kidnappeurs qui vient d'être arrêté.

Si tu prends la période qui va en gros des années 30 aux années 60, la médecine a fait de grands progrès (la péniciline, la RU-486), c'était le temps de la conquète spatiale, avec Spoutnik, Gagarine et la NASA.
On construisait des cités pensant que les gens y trouveraient le bonheur, l'économie marchait à plein, le pétrole était bon marché, on se souciait comme d'une guigne de l'environnement, tout allait bien.

Là on se prend un vrai retour de baton dans la gueule : on est incapable d'éradiquer le sida, on arrive à contenir d'autres maladies (fièvre ébola, fièvre de Lhassa, SRAS), on ne sait pas encore ce que va donner la grippe aviaire...
La conquête spatiale, bon bah, quand on voit les années qu'il nous faut pour aller sur Titan, ça refroidit un peu. La station spatiale internationale est plutôt en panne, et Hubble nous a permis de voir tant de lieux où il nous sera impossible d'aller, même en voyageant à la vitesse de la lumière : supplice de Tantale.
Les cités, elles ont flambé il y a peu, et c'est facilement explicable.
L'économie, je ne fais pas de dessin, puisqu'on passe du chômage au RMI pour faire diminuer les statistiques. Le pétrole, vous voyez ce que je veux dire.
L'environnement, je pense qu'il n'est pas utile de faire un dessin.

Un autre fait fondamental et à mes yeux profondément inquiétant depuis les années 70, reste l'offensive anti-laïque, que l'on peut voir à l'oeuvre aux USA, mais aussi dans le monde musulman, avec la poussée des islamistes (Frères musulmans en Egypte et en Palestine, révolution iranienne + arrivée au pouvoir d'un dur de dur, etc.). Alors que dans les années 50 et 60, le monde musulman était plutôt laïc, avec des gens comme Nasser, le Shah d'Iran. Peu de gens auraient misé une cacahuète sur la victoire de l'islamisme ou du fondamentalisme chrétien.
Sans parler des intégristes juifs qui commencent à lourdement peser en Israël.

Quant à l'Europe, elle est absolument pitoyable, tout simplement pitoyable.
Les petites querelles sur le budget, l'inertie vis-à-vis du conflit israélo-palestinien, la Tchétchénie, Guantanamo...

Il y a une 14 ans, Louis Calaferte publiait Droit de cité :
"Des millions d'hommes meurent de faim, l'injustice, l'obscurantisme sont partout ; on arrête, on emprisonne, on déporte, on torture, on répand le sang, on diffuse le mensonge corrupteur, on entretient l'analphabétisme, on étouffe les idées généreuses, on anéantit les consciences - pendant ce temps-là, nos célébrités littéraires font de la littérature confortable, c'est-à-dire du pur fumier, se prostituant au public de toutes les façons, notamment par l'intermédiaire de cette entreprise de décérébration qu'est notre actuelle télévision. Entre gens de bonne compagnie, on brode sur des idées usées - mais ce qui compte aujourd'hui, c'est la faim dans le monde, la non-culturisation des masses, la pollution de la nature par l'abus chimique, la démographie anarchique, les menaces de l'arsenal nucléaire. Le reste, madame, on s'en fout !"

		Citation : Si tu prends la période qui va en gros des années 30 aux années 60, la médecine a fait de grands progrès (la péniciline, la RU-486), c'était le temps de la conquète spatiale, avec Spoutnik, Gagarine et la NASA.On construisait des cités pensant que les gens y trouveraient le bonheur, l'économie marchait à plein, le pétrole était bon marché, on se souciait comme d'une guigne de l'environnement, tout allait bien. Là on se prend un vrai retour de baton dans la gueule

Dire que "tout allait bien" des années 30 à 60 ! Hum, hum !
Ne parles-tu pas plutôt des 30 glorieuses qui vont des années d'après-guerre jusqu'à 1975, en gros.
Cetes, on était en pleine croissance économique, mais....
Ecoutez donc la chanson "manifeste" de François Béranger, et vous me direz ensuite si c'était si bien que ça les 30 glorieuses.Une belle illusion, oui !
Faut-il regretter d'être un peu plus lucide maintenant ?