A la Saint Gularité, plantez le karité

Publicité: Suppositoires Singularité, des Siècles d'Hilarité.
Des Laboratoires Transhumanoïdes Associés

Le Petit Dossier du Dimanche: La Singularité, ça déménage
De notre envoyé spécial au pied de l'Asymptote Oméga

Vous me voyez au milieu d'une foule en liesse qui se presse aux portes de l'ascenseur pour la Posthumanité, insensible aux pluies de grenades en provenance des nombreux groupes d'opposition à la Singularité qui surgissent de tous côtés.

Gérard, tu peux ramener la caméra par là-bas? C'est plus calme.

Depuis le temps qu'on en parlait, et qu'on ne l'attendait plus, la Singularité Nouvelle est arrivée! Il faut revenir au milieu du siècle passé pour trouver les premières réflexions sur ce sujet aujourd'hui si brûlant. Des singularités, il y en a de toutes sortes, des cosmologiques, des collectivistes, mais ce qui nous occupe ici est la singularité cognitive.

Au vu de l'indéniable progression exponentielle des activités technologiques, énergétiques, informationnelles, de l'humanité, on était tenté de se poser la question: Mais où c'est-ti qu'on va? Et surtout, que va-t-il se passer lorsque les dinateurs accèdent à des capacités cogitives humaines et continuent à accélérer leur rythme de fonctionnement? C'était ça, à l'origine du débat, le moment de la Singularité. On avait du mal à s'imaginer ce qui s'ensuiv- Fiiiiiiz! Gbaoum! - kssshhh...

Bon, sérieux, main'nant. Revoyons ce point: les IAs atteignent un niveau cognitif, créatif, intellectuel, similaire à celui des humains.

Il existe une parade facile à cet argument, que certains ne se privent pas de clamer: C'est même pas possible, éh! Fin du débat. Pas de singularité.

Mettons que ça soit possible. Si le rendement technique continue à progresser, le rendement créatif des IAs va progresser également, à un rythme supérieur à celui que les humains avaient mené jusqu'alors.

Là, j'ai une objection: les progrès scientifiques et techniques dépendent énormément de l'expérimentation. Tout ne se passe pas que dans la tête et dans les simulations. C'est l'univers qui a le dernier mot. Or, l'expérimentation prend du temps, du temps réel, pas du temps de reflexion. C'est à mon avis un frein sérieux à l'explosion faramineuse qu'on présage.

Il existe une autre hypothèse, beaucoup moins répandue et bien plus audacieuse, attachée à la Singularité: l'idée que le progrès ne sera pas seulement quantitatif (plus de réflexion, plus vite), mais aussi qualitatif: une capacité de pensée d'un ordre supérieur. Mais personne, à ma connaissance, ne peut en donner l'ombre d'une description.

Ce n'est pas une idée en l'air. Après tout, entre le comportement réflexe d'une fourmi et la conscience humaine, il semble bien y avoir quelque chose de plus qu'un saut quantitatif, non? Le langage nous permet de transmettre bien plus que des signaux d'alerte et de nourriture, et la conscience de soi, couplée à une capacité d'observation, de reconnaissance et de mémoire étendue, permet une complexité de comportement incroyable qui échappe à une modélisation simpliste.

Pourtant, certains défendent l'idée que l'esprit humain a atteint le degré maximal de généralité, c'est à dire qu'il est capable de traiter n'importe quel sujet. Quand je vois que le cerveau est capable d'inventer un truc aussi tordu que la Relativité Générale, ça ne me paraît pas tout à fait dénué de fondement...

La chose qui me paraît la plus intéressante dans l'intelligence artificielle posthumaine, si elle est possible soit dit, ce n'est pas de pouvoir turbiner à toute berzingue pour inventer trois cents nanomachines révolutionnaires à la minute. C'est de pouvoir revoir les principes de base de l'esprit humain, l'héritage ancestral de la lignée zoologique qui nous a fait naître, pour arrondir les angles vifs et les problèmes psychologiques aigus qui en résultent. Mais je ne suis pas naïf au point de croire que ça va résoudre tous les problèmes de la biosphère et de monsieur Dupont. ça va juste donner un peu plus de recul sur les problèmes qui ne manqueront pas de nous talonner.

Pour finir, un petit sondage:

La Singularité, qu'en pensez-vous?
S: C'est super!
N: C'est nul...
F: M'en fous... d'ailleurs je sais pas pourquoi j'ai lu jusque là.
A: Autre. Argumentation: __________________

La semaine prochaine, notre grand jeu-test Quel transhumain êtes-vous?


PS: Je n'ai pas mis de liens vers les pages de théorie, les organisations, les livres de SF, etc. par paresse inexcusable et aussi parce que je n'ai pas trouvé grand chose en français, sinon des trucs bien frileux, et aussi parce que ma culture SF est lamentable. Si vous avez des bonnes adresses, des souvenirs de lecture en français, n'hésitez pas... Ce thread est né des embryons de débats du thread En vlà un qui débarque, où il y a quelques bonnes adresses en français fournies par Zomver.

Je voudrais quand même signaler qu'une partie de mes opinions provient de mes souvenirs (lointains, mais marquants) de lecture de Cyberevolution and Future Minds, un pavé qui fait un tour d'horizon grandiose et des plongées en profondeur sur toutes sortes d'aspects de la grosse question de la Singularité.

A autre argumentation : j'ai pas d'avis sur la singularité, tout ce que je sais, c'est que je suis en train de lire Un feu sur l'Abîme.

Moi, je partage le scepticisme de Ted Chiang.
C'est plus un fantasme de nerds qu'autre chose.

Un peu en marge de la Sainte Hilarité, dans les rapports entre les Umins et les Objetsdufutur, la nouvelle Paul Di Fillipo "And The Dish Ran Away With The Spoon" ici:
http://www.scifi.com/scifiction/originals/originals_archive/difilippo3/difilippo31.html

		Citation : Un peu en marge de la Sainte Hilarité, dans les rapports entre les Umins et les Objetsdufutur, la nouvelle Paul Di Fillipo "And The Dish Ran Away With The Spoon" ici:

pour ceux qui préfèrent le format papier, on peut la lire au moins dans le Best-of de Dozois (le 21ème), l'antho The mamoth book of extreme science fiction et le savoureux recueil de Di Fillipo The emperor of gondwanaland.



(Thunder's Mouth Press, 2005, couverture de Marcia Salo)

Et dire que Di Filippo est quasiment pas traduit en France.

>> sandrine : que vaut sa novella A year in the linear city que l'on dit très bien.

		Citation : >> sandrine : que vaut sa novella A year in the linear city que l'on dit très bien.

plutôt inclassable comme texte (il est vrai que j'aime beaucoup les classements), mais c'est une novella très évocactrice, un mélange du Priest de Inverted world pour l'apport de la topologie, de Vance pour la société bizarre, de Swanwick pour certaines images mi-SF mi Fantasy avec une pincée de SF récursive (le narrateur est une sorte d'écrivain de SF, qui s'appelle Cosmogonic Fiction dans ce monde).



(Gollancz, 2003, couverture de Edward Miller, livre superbe au format inhabituel)

PS : il me semble avoir lu quelque part de Di Fillipo devait donner une suite à cette novella.

Merci.
Je vais donc devoir cultiver très sérieusement mon anglais.

Si vous voulez vraiment comprendre ce qui se cache derrière le mot Singularité lisez The Singularity is near de Ray Kurzweil. Il pense que cet évènement se situera aux environs de 2040 / 2050 et je dois dire que ses arguments sont très, mais alors, très convainquants.

A mon humble avis, aucun auteur de SF ne l'a vraiment appliqué dans ses oeuvres, même Vinge qui pourtant a beaucoup apporté à la réflexion qui entoure ce concept. Seul peut-être Dan Simmons avec son Technocentre s'en approche suffisamment. Quant au prétendu génial Singularity Sky (ou Crépuscule d'Acier de part chez nous) de Stross il ne fait qu'utiliser le mot et tourner autour sans jamais entrer dans le vif du sujet.

Après, c'est vrai que la Singularité, c'est comme les nanotechnologies ou l'informatique avec le Cyberpunk : beaucoup de fantasmes autour d'une révolution technologique bien réelle (la révolution GNR comme l'appelle Kurzweil, pour Génie génétique, Nanotechnologie et Robotique qui comprend les csiences cognitives), avec pas mal d'approximations dans les oeuvres de SF, et probablement tout autant d'oublis. La Singularité, j'en suis convaincu, sera une réalité d'ici la fin de ce siècle. Son émergeance aura un impact immense comparable à la bombe où au vol de Gagarine au XXe siècle en forçant une réinvention de notre éthique et nos canons philosophiques, éthiques et spirituels.

		Citation : Quant au prétendu génial Singularity Sky (ou Crépuscule d'Acier de part chez nous) de Stross il ne fait qu'utiliser le mot et tourner autour sans jamais entrer dans le vif du sujet.

effectivement, mais je pense que Stross n'a jamais envisagé ce livre (dont je rappelle que le titre initial était d'une façon révélatrice Festival of fools quand il devait paraitre chez Big Engine), comme une réflexion sur la singularité. Son intéret avoué étant plus d'explorer le concept de choc entre deux cultures se trouvant à des stades technologiques différents.

L'Eschaton, n'est, comme d'ailleurs dans Iron sunrise, qu'un simple gimmick, l'analogue du M de james Bond.

Plus centré sur le thème de la singularité et son après, est le roman de Ken MacLeod, Newton's wake (qui semble prévu pour cet automne en VF).



(Orbit, 2004, couverture anonyme)



(Ace, 2004, couverture de Danilo Ducak)

		Cyril : Si vous voulez vraiment comprendre ce qui se cache derrière le mot Singularité lisez The Singularity is near de Ray Kurzweil. Il pense que cet évènement se situera aux environs de 2040 / 2050 et je dois dire que ses arguments sont très, mais alors, très convainquants.

Je ne l'ai pas encore lu, mais je suis familier des arguments de Kurzweil. Je crois que son défaut est de ne pas argumenter beaucoup sur les progrès de l'IA, qui n'en est encore, quoi qu'on dise, qu'au rez-de-chaussée de son développement, et que personne ne donne grand espoir de décollage. Yudkowsky prend le problème à la racine dans ses meilleurs écrits, ce qui est exceptionnel dans ce domaine, mais on est encore très loin d'un projet de construction.

		Citation : A mon humble avis, aucun auteur de SF ne l'a vraiment appliqué dans ses oeuvres

C'est que c'est bigrement difficile à imaginer, la post-singularité... Même quand il existera des auteurs qui s'y attaquent vraiment, ils risquent de passer à côté de l'essentiel que nous n'envisageons pas.