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Olivier

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Voisins d'ailleurs

Clifford D. Simak

,

Pierre-paul Durastanti


Voisins d'ailleurs
 Pour la présente édition :

Editeur : Le Bélial'

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (13 réponses)

A Lacroute, docteur ès-

Simak



A Alain Dorémieux, qui a attiré mon attention sur

Simak



Simak

fait partie de ces grands oubliés de la sf.
Hormis un Omnibus à la couverture immonde consacré à ses romans, il n’y avait plus grand-chose à se mettre sous la dent en librairie.
Folio SF a totalement ignoré ses ouvrages, contrairement à ses contemporains de l’Age d’or comme Heinlein, Asimov, Cordwainer Smith ou Fredric Brown.

Comme toujours sous nos latitudes, surtout depuis le décès de Jacques Chambon, l’amateur de nouvelles se retrouverait donc condamné aux recherches d’antiquités sur le web.
Or, chez

Simak

comme chez Sturgeon, la nouvelle révèle outre un immense talent, une très grande richesse thématique. Car oui,

Simak

, ce n’est pas que l’extraterrestre dans le pré.
Je dois avouer que c’était l’image que j’en avais, celle d’un aimable rural écrivant une sf humaniste qui regarde les étoiles depuis son Midwest.
Jusqu’à ce que ce cher Alain Dorémieux ne fasse voler en éclat ce préjugé.
Si l’on ne dira jamais assez de bien des nouvelles, ces joyaux que se repassent les trop rares initiés, on ne saurait qu’être effondré par la disparition des anthologies.
Joyaux des joyaux, mezzés des plus fins gourmets, elles permettent souvent de découvrir des auteurs que, lecteur, on aurait évité pour de mauvaises raisons. Ou de découvrir des textes surprenants, inattendus de la part d’un auteur.
C’est donc Dorémieux qui a mis

Simak

dans mon viseur, avec sa magnifique et inattendue Escarmouche, qu’il en soit ici remercié.

Saluons donc chapeau bas le travail du Bélial, qui nous offre pas moins de deux livres et, accrochez-vous bien, deux recueils de nouvelles avec de l’exhumation de revues depuis longtemps défuntes, et des inédits.
Oui, des nouvelles ! Et de l’inédit, et de la retraduction.

Cette jolie couverture, assez

simak

ienne dans l’esprit, nous dévoile donc un sommaire alléchant, dont La grotte du cerf qui danse qui valut à ce fringant septuagénaire son dernier Hugo, un Locus, un Analog et un Nebula, excusez du peu. Et devinez quoi ? Ce texte qui caracole dans les records de prix, n’avait été publié qu’une seule fois, dans une anthologie périodique… en 1982. Depuis, plus rien ! Pas une seule anthologie ni un recueil pour exhumer cette merveille digne du meilleur Sturgeon.
Alors que certains auteurs, arrivés à un âge canonique retapent leurs cycles à coup de préquelles et de suites et d’un intérêt très limité voire consternant (Clarke, Asimov, Van Vogt…),

Simak

, lui, nous écrit l’une de ses meilleures nouvelles, pas moins !

Simak

est un rural, l’affaire est entendue. Chez lui, pas d’ingénieurs, d’astronautes ou de vaillants explorateurs, américains de préférence s’élançant dans les cieux pour nous y refaire la conquête de l’Ouest.
Ses personnages sont souvent d’humbles ruraux, les deux pieds dans la terre du Midwest.
Un Midwest peu traité en sf, par rapport à New York ou la Californie, mais qui n’a pas été totalement oublié non plus. Notamment par la vision grinçante et vacharde qu’en donnera l’un de ses enfants terribles : Thomas Disch et le merveilleux Génocices (enfin réédité : ô amis éditeurs, n’oubliez pas ses nouvelles !!!). Midwest que l’on retrouve également dans Sur les ailes du chant.
Il serait toutefois injuste de limiter

Simak

au Midwest, comme le montrent ses nouvelles (d’où l’intérêt de lire des nouvelles, hé ouais).
On s’en rend vite compte au fur et à mesure du recueil, qui a opté pour le classement de nouvelles le plus simples : chronologique sur plus d’un quart de siècle.
Le recueil s’ouvre avec l’exhumation et la retraduction de Kindergarten : La maternelle, qui n’avait pas été republié en français depuis… 53 ans.



Et cette nouvelle est une introduction presque parfaite à l’œuvre bucolique de

Simak

.
Un personnage dont nous savons peu de choses fait une petite promenade dans la belle nature de l’Amérique rurale. Si

Simak

n’est pas un styliste renversant, ses descriptions lyrique de la nature sont souvent d’une grande beauté.
Notre personnage tombe sur un étrange objet en forme de parallélépipède, qui va lui offrir un splendide œuf de jade, assorti d’un signe énigmatique. Chaque habitant du village aura droit à un magnifique cadeau personnalisé : parfum, canne à pèche...
L’histoire s’ébruite, et la presse vient enquêter sur place, car le Président a reçu lui aussi une lettre avec des signes mystérieux. Un texte qui m’a rappelé Comment servir l’homme de Damon Knight, revu et corrigé par l’humanisme optimiste de

Simak

, qui opte pour l’autre définition du mot « servir ».

« Ces deux romans [A chacun ses dieux et Au carrefour des étoiles] peuvent être considérés comme des space-operas, mettant en scène d'étranges races extraterrestres et de fabuleuses civilisations ; mais ce sont des s-o immobiles, sans conflit, qui se déroulent sur Terre, et même sur un tout petit coin de la Terre, et dont le héros est un vieillard contemplatif. Tout l'art de

Simak

, et sa profonde originalité dans l'univers littéraire de la S-F, tiennent à cela. Il n'y a pas besoin d'astronefs pour aller dans les étoiles, il suffit de les regarder, de les écouter, de se laisser boire par elles. Et les E-T ne sont pas méchants, ce ne sont pas des monstres, ils sont simplement différents : il suffit là encore de les regarder (attentivement), et de les écouter, pour les comprendre ; alors, ils peuvent devenir votre voisin, un voisin comme un autre. » Jean-Pierre Andrevon

Voilà qui caractérise magnifiquement cette nouvelle. Ainsi que celle qui suit, premier inédit du recueil. Le bidule. Un texte sturgeonnien sur un pauvre orphelin, pressé comme un citron par des Thénardier qui le font travailler du matin au soir dans leur ferme, en le battant à la moindre occasion et en le sous-alimentant. Jusqu’à ce qu’un minuscule artefact extraterrestre n’attire son attention, et ne bouleverse sa vie. Ce n’est pas le meilleur texte, certains le trouveront même un peu naïf voire gnangnan, mais je n’ai pas été insensible à l’empathie qui s’en dégage. Un texte à chute plutôt réussi.
L’autre texte à chute, Le cylindre dans le bosquet de bouleaux est juste un bon texte à chute, ce qui est déjà fort honorable. Mais ce texte, par ailleurs bien écrit, souffre de sa structure. Tout est fait pour arriver à la chute, un peu comme chez Bloch. Autant en short-short, cela me convient, autant dans un texte standard, cela me convainc moins. Du coup, on se retrouve avec un texte qui n’est que bon, quand la plupart des textes du recueil vont du très bon au chef-d’oeuvre.
Le voyage dans le temps sera bien mieux traité dans le magnifique La bataille de Marathon, sur lequel nous reviendrons.

Autre texte rural et inédit avec de l’ET dedans, Le voisin est un texte magnifique.
Imaginez un petit coin rural relativement prospère. Bref, le Midwest.
Jusqu’à l’arrivée d’un étrange voisin.
Un homme chanceux, puisque lorsque la pluie vient à manquer, son champ semble être le seul à être humide. Ajoutez à cela un magnifique tracteur futuriste, qui tiendrait presque de la voiture volante. Cela fait beaucoup pour un homme qui vient juste de fuir le rideau de fer avec trois francs et six sous en poche, non ?
Ce petit coin de paradis finit par intriguer, et un journaliste décide de tirer l’affaire au clair. Et là, le texte bascule dans une ambiance digne du meilleur de La quatrième dimenson.
Là encore, la différence ou l’étranger n’ont rien d’une menace, bien au contraire. Ils rappellent à l’homme qu’il est loin d’être le sommet de l’évolution, sommet qui n’existe d’ailleurs que les délires anthropocentristes.

Un Van Gogh de l’ère spatiale est une autre merveille. Un homme part à la recherche d’un peintre disparu sur une planète lointaine. Une planète… rurale, bien sûr.

Simak

s’en sert pour illustrer les difficultés de communication entre humain et ET.
L’ET est plutôt sympathique, nullement belliqueux, et nous offre une belle réflexion sur la différence des cultures et des perceptions de l’art. Un très beau texte, qui ravira les amateurs de peinture et les autres.

Mais ne nous laissons pas berner. Tout n’est cependant pas d’un optimisme béat, voire lénifiant.

Simak

n’est pas un ravi de la crèche.

Pour preuve, La fin des maux, texte exhumé d’un vieux numéro de Fiction de 1961, et jamais republié depuis... Ce texte commence comme du

Simak

classique : un extraterrestre arrive dans l’Amérique rurale, et propose d’aider l’humanité, en la guérissant de toutes les maladies. Adieu cancers, épidémies, pandémies et autres fléaux.
Comment refuser une telle offre, surtout quand on lit la nouvelle en 2020 ? Mais ce cadeau est-il aussi désintéressé que l’œuf de jade du premier texte ?

Simak

procède avec subtilité et machiavélisme, en instillant le doute par touches infimes, jusqu’au crescendo.
Là encore, on retrouve une ambiance qui rappelle Rod Serling, mais plutôt un épisode noir et angoissant, que n’auraient pas renié, outre Serling, Matheson ou Beaumont.



L’amateur de lovecrafteries ne sera pas en reste, avec deux textes qui rappellent le maître, sans aucunement le pasticher.
Le puits siffleur n’est pas sans rappeler La couleur tombé du ciel, mais aussi Bruissement d’ailes, l’une des plus belles nouvelles de Fredric Brown, qui est aussi l’une de ses rares incursions dans l’horreur.
La bataille de Marathon, est un texte qui n’est pas sans rappeler Poul Anderson et ses voyages temporels. La structure du texte est typiquement lovecraftienne, puisqu’il s’agit d’un homme qui couche son témoignage terrifiant sur le papier. La narration joue habilement avec l’angoisse, et la chute est absolument parfaite.

J’ai gardé le meilleur pour la fin, un autre texte qui explore les temps à sa façon, La grotte du cerf qui danse. Un texte qui, à lui seul, justifie l’achat du recueil.
Un préhistorien explore une grotte où vécurent des Néanderthaliens, à l’aide de son assistant espagnol. Il voit une étrange fissure sur une paroi, et découvre une autre grotte, avec de magnifiques peintures pariétales.

Simak

signe là, et je pèse bien mes mots, l’une des plus belles nouvelles qu’il m’ait été donné de lire. Un texte à la fois vertigineux et sensible. Un texte où le mystère et l’incompréhension cèdent face à la révélation de la vérité, qui est une magnifique réflexion sur la différence, l’Histoire et les mythes, ainsi que le but de la vie. Oui, rien que ça. Le tout dans une nouvelle. Une simple nouvelle, écrite de main de maître.



Au final, Le Bélial et Pierre-Paul

Durastanti

nous offrent un joyau.
Un choix où les textes les plus faibles sont bons, et où les meilleurs laissent des souvenirs inoubliables, voire un véritable éblouissement.

Simak

n’est pas qu’un aimable auteur bucolique, loin de là. Il est tout simplement, et je pèse mes mots, l’un des plus brillants nouvelliste de la sf, ni plus ni moins.
Si vous pensiez que

Simak

n'est qu'un aimable péquenot ringard, foncez, vous en serez tout retournés.




Le grand retour de Clifford D. Simak !

Il s'approcha, se pencha, et laissa courir sa main sur le haut de l'objet sans se demander ce qui lui inspirait cette réaction, même s'il songea, un peu tard, qu'il aurait sans doute dû se retenir. Mais ce devait être sans danger, car il ne se passa rien — dans un premier temps. Le métal, ou le matériau évoquant le métal, était lisse sous la paume et son poli semblait abriter une terrible dureté ainsi qu'une force effrayante.
Il retira sa main, se redressa et recula d'un pas.
La machine émit un unique cliquetis, comme par choix — comme pour attirer l'attention, prouver sa nature et indiquer qu'elle possédait une fonction et entendait l'accomplir avec autant d'efficacité que de discrétion.
Telle fut du moins la nette impression qu'il en retira.
Puis elle pondit un oeuf...

Né en 1904 dans la ferme de son grand-père maternel près de Milville, dans le Wisconsin, Clifford D. Simak fut cultivateur puis journaliste, avant de devenir l'un des écrivains de science-fiction américain les plus traduits au monde. Il est mort en 1988, laissant derrière lui près d'une trentaine de romans — dont l'immense Demain les chiens, réédité rien moins que dix-huit fois en France — et plus de cent nouvelles ; une œuvre considérable empreinte de sensibilité et de nostalgie sans équivalent.
Voisins d'ailleurs réunit neuf récits de Clifford D. Simak : quatre inédits et cinq perles depuis longtemps indisponibles et jamais réunies en recueil, proposées ici dans des traductions nouvelles ou révisées, dont « La Grotte des cerfs qui dansent », texte d'exception lauréat des prix Hugo, Nebula, Locus et Analog.





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