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Jekub

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Utopiae

Anthologie


Utopiae
Illustration : Enki Bilal
 Pour la présente édition :

Editeur : L'Atalante
Collection : La dentelle du Cygne

La critique du livre
Lire l'avis des internautes (2 réponses)

« Le bien être tel que vous le concevez n'est pas un but, c'est à nos yeux un terme. »
Nietzsche

Utopiae, publié à l'occasion du festival Utopia 2000, est une courte

anthologie

présentée par Bruno della Chiesa et Denis Guiot qui réunit sept textes - sept auteurs -, afin d'examiner de plus près, comme vous l'aurez finement deviné, le thème de l'utopie.

La préface, succincte mais efficace, rappelle que celle ci est indissociable de la Science Fiction depuis son début; elle constitue une de ses faces ayant prit nombre de chemins détournés, comme celui de la dystopie, influencée par les multiples sources de désenchantements présents dans le siècle précédent. Du « non-lieu » originel, le signifié de l'utopie fait aujourd'hui référence à une absurdité souvent tournée en dérision. Guoit et Chiesa nous propose alors d'explorer ou plutôt de redécouvrir une notion plus personnelle de l'utopie, à travers sept auteurs européens, usant de moyens détournés qui prennent leurs racines dans le roman d'aventures, afin de nous plonger dans la quête initiatique.

Le bal s'ouvre sur un grand auteur allemand, Andreas Eschbach, qui inaugure l'ouvrage avec brio et poésie. L'envol du faucon Saggital est une nouvelle éthérée, belle, nous contant, dans un univers post-technologique, la persévérance d'un « homme oiseau » pour toucher la voûte céleste. Un désir de tendre vers l'inaccessible, de soumettre à sa volonté les possibles; l'auteur des milliards de tapis de cheveux décrit magnifiquement, d'un ton accrocheur, une ascension douloureuse, mais qui aboutira à l'exaltation, à la sensation d'avoir achevé une part de destin. Sans que celui ci sans trouve pourtant scellé, car l'utopie atteinte ne l'est jamais réellement. Elle n'est que satisfaction des jalons posés sur sa propre condition. Ainsi, si le héros, Owen, savoure sa victoire, il sait pertinemment qu'elle n'exprime en aucun cas une finitude immuable.

« Les étoiles sont bien plus que l'endroit dont nous venons. C'est également là que nous serons appelés à retourner un jour. »

Encore sous le charme de Eschbach, nous poursuivons par Vision par défaut, de Hans Enrick Loyche. L'histoire se déroule également dans un monde post-techno, où la magie de l'oracle semble avoir grande notoriété auprès des tribus. Mais lorsque la prophète décède sans descendance, c'est le signe de l'achoppement prochain des peuples. Or, Kenneth, se refusant à ce fatalisme, décide de partir pour les grandes cités, à la recherche de la plausibilité des textes sacrés, qui semblent tant bouleverser ses congénères. Un texte également sensible, qui m'a vraiment convaincu dans sa chute. Une aura mystique inexpliquée, mais qu'importe les déterminismes prédits, Kenneth trouvera la délivrance dans sa propre recherche de la vérité.

Aller, je ternis malheureusement un peu le tableau : Le troisième texte, Celle qui libère, de Nicoletta Vallorani, est à mon sens le plus faible du recueil. Un univers virtuel qui prend sa propre indépendance à cause de son utilisatrice ayant travesti sa personnalité. C'est non sans intérêt, et même pertinent, mais la forme et la chute demeurent relativement banales. Bref, une nouvelle centrée sur le « Tao » : la part d'obscurité inhérente à celle de clarté en chacun de nous. Une morale sur le fait qu'il fasse accepter tous les aspects, sombres ou non, de notre être? Mouarf, ça sent le rabâchage.

Hop, on enchaîne sur Peter Shaap et sa Sixième porte. Oscillant entre virtualité débridée et ésotérisme technologique, c'est un récit sympathique, dans lequel le lien avec l'utopie est d'avantage tenue. Allégorie de L'éternel retour? Réincarnation? Quoiqu'il en soit, le paroxysme de la technologie offre ce qu'il a de plus accompli, aux dépens de ses concepteurs : une ouverture béante sur des mondes parallèles vierges de toute valeur, où tout est à rebâtir. L'évasion est à nouveau possible.

La nouvelle suivante, signée par le célèbre Christopher Priest, semble délibérément placer après le texte de Shaap afin de l'expliciter. En effet, c'est une rencontre entre deux personnes, le narrateur et une vieille connaissance, qui se mue progressivement en transfiction (très semblable aux procédés de la fontaine pétrifiante). On parle sans détour de l'utopie, puisque c'est le sujet principal de conversation pour nos deux compères. Ce qui est étrange, voir fascinant dans cette nouvelle, c'est la capacité de Priest à parler explicitement du thème, tout en conservant sa subtilité et en poussant même à rendre son œuvre la moins facile d'accès du recueil. L'utopie et après, c'est la pensée vertigineuse que constituerait l'accès à un monde idéal sans contraintes, démentie par ce voyageur incongru, un rêveur lucide, qui affirme que la perfection technologique ne peut amener qu'un renouveau spirituel. Optimiste le Priest, et pourquoi pas?

L'avant dernière nouvelle, l'enfant qui ne voulait pas être heureux, d'Armando Boix, est sans doute ma préféré. Peut être est ce dû à ce doux parfum nostalgique de l'âge d'or Asimovien? Un texte simple, réutilisant les vieux poncifs de la SF efficacement, dans le but sans complexes de nous montrer qu'il peut subsister l'aventure là où on la croyait à jamais absente. Une fin en apothéose, succulente digne du grand livre des robots, mais discrète et diaphane. Boix, auteur principalement pour jeunesse, nous offre donc une bien agréable surprise.

Finalement, c'est Christian Grenier qui clôt cette

anthologie

, avec l'allégorie la plus formelle et symbolique de l'utopie. Partir pour Edena (Hommage à Moebius ? ;)), c'est la quintessence de l'idée que ce qui est important, c'est le voyage, et non la destination. Un texte classique, sans surprises et même un peu facile, comme une utopie, en somme. Recherchons la création, et éloignons nous le plus possible de tout système coercitif qui briguerait celle ci. Voilà le mot d'ordre résumé.

« À quoi bon le décrire? Il ne ressemblait en rien à ce que j'imaginais. Mais peut être à tout ce que j'espérais. Parce qu'il me faudrait le construire. »


En conclusion, Utopiae n'est peut être pas une lecture indispensable pour les inconditionnels du genre, mais elle propose des textes charmants, oniriques et par l'efflorescence du pouvoir créateur, elle promulgue l'espoir, celui qui nous permettrait de construire cette utopie de tous les instants, celle de l'aventure intérieure, par là où tout commence, et par où, tout fini.




Utopiæ, sept auteurs européens en quête d'utopies : Armando Boix, Andreas Eschbach, Christian Grenier, Hans Henrik Løyche, Christopher Priest, Peter Schaap, Nicoletta Vallorani. Présentés par Bruno della Chiesa et Denis Guiot. L'Utopie...
Songe creux pour les uns, genre littéraire porteur d'un projet politique ou social pour les autres, l'utopie a connu bien des aventures, bien des déboires, depuis la création du mot latin utopia en 1516 par Thomas More (du grec ou, « non », et topos, « lieu »). Et si ce « non-lieu » était avant toute chose l'expression d'un désir en partance, la prise de conscience que le voyage est plus important que la destination, bref une question d'attitude ?
Avec Utopiæ, publié à l'occasion du festival Utopia 2000 de Nantes, sept auteurs de science-fiction abordent de manière originale les rivages de l'utopie intérieure. Avant de changer le monde, change le monde qui est en toi.


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