Telle aurait pu être la plus courte critique publiée sur CSF, et accessoirement un joli score au scrabble, avec un Y et Z.
Cependant, pour être en paix avec ma conscience, je vais développer un peu tout ça.
Commencez par vous mettre en tête Born to be wild, et remémorez vous Easy rider. A la place de Steppenwolf, imaginez plutôt Born to be wild repris par Vincent Delerm. A la place du film, imaginez un livre, en remplaçant la caméra de Dennis Hopper par un texte de Serguei
Dounovetz
. Et à la place de Jack Fonda, imaginez plutôt un über-Steven Seagal du nom de Dick Roy. A la place de la bécane de Jack Fonda, prenez ce qui sera en 2050 une « antique MZ 1000 SF Streetfighter ». Oui 2050, parce que je ne vous avais pas dit que nous avons fait un bond dans le temps. Vers un futur pas rose du tout.Mais attardons nous d’abord sur Dick Roy. C’est un ancien soldat, qui est revenu couvert de médailles des quatrième et cinquième guerres du Golfe. Son incroyable bravoure a une explication simple : ses parents ont été tués quand il était mioche. Il a depuis perdu tout goût à la vie. Il n’avait donc plus qu’une solution : faire la guerre, puisqu’il n’a plus rien à perdre. Puis quand la paix est revenue, cette tête brûlée est devenue flic.
Mais attention, pas une chiffe molle de fonctionnaire ! Plutôt un flic privé de l’UMDLF. UMDLF pour Union des marshalls qui en ont dans le fallz. Oui, vous avez bien lu ! L’UMDLF se partage le marché de la sécurité de Montpellier avec la SARKO, nommée ainsi en dérision, histoire de railler celui qui fut un ministre de l’intérieur incompétent sauf en esbroufe.
C’est donc pour aller chez son boss que Dick enfourche son «antique MZ 1000 SF Streetfighter », et en fait vrombir le moteur à l’aide de sa grosse botte de motard viril qui en a dans le falzar.
Get your motor runnin'
Head out on the highway
Malheureusement Steppenwolf ne pourrait plus se permettre de chanter ça. Parce que la Terre est littéralement rongée par la pollution. La Méditerranée n’est plus qu’un vaste dépotoir où l’on ne peut même plus se baigner en combinaison étanche comme au bon vieux temps. Le ciel est toujours couvert, et l’air est saturé de saloperies bleues mortelles. Et quand c’est le cas, croyez-moi, vous avez intérêt à rester cloitré chez vous. Seuls les flics et les androïdes sortent. Donc, Dick Roy avale les kilomètres pour se rendre à son boulot, au guidon son «antique MZ 1000 SF Streetfighter ».
Le boss de Dick lui apprend alors qu’il doit partir en chasse avec les quatre autres gars de son équipe, les Spirit 59 (en hommage à Buddy Holly). Ils doivent appréhender une bande d’androïdes rebelles : des MC5 dirigés par un Sham 69. Sous ces noms de groupes de rock se cachent en réalité des androïdes masculins, sauf le Sham 69, qui est une femme, bien sûr plantureuse.
Voilà donc notre équipe de têtes brûlées qui en ont dans la falzar prêt à aller arrêter nos androïdes, pour les remettre vifs à leur boss. Sauf qu’ils se font presque tous décimer. La main de Spirit 59 a perdu 4 doigts, et il ne reste plus que Dick, sauvé par son instinct. Il va d’ailleurs en profiter pour sauver la Sham 69, car il sent que quelque chose n’est pas clair. L’instinct des motards qui en ont dans le falzar, sans doute. Et bien sûr, il va se rendre compte qu’il est au centre d’un enjeu qui le dépasse, et que son patron le manipule depuis le début. C’est alors parti pour une course poursuite, agrémentée d’un peu de scènes cochonnes entre Dick et la Sham 69, jusqu’à une conclusion que l’on voyait venir depuis… le début ou presque.
Récapitulons donc :
1 héros digne de Gérard de Villiers
Impression d’ailleurs confirmée par la couverture, la touche SF tenant au tuyau d’aspirateur greffé à la plantureuse femme dénudée qui illustre la couverture
1 finesse politique digne de Kesselring
1 intrigue digne de Blade runner revu et (sévèrement) corrigé par Alexis Aubenque
Le tout en 154 pages, emballées dans une couverture jaune et rose fluos. Il n’y vraiment pas à dire : le goût tient autant au fond qu’à la forme. Tout cela pour la somme fort peu modique de 12€90. Oui, 12 euros et 90 centimes, alors qu’il ne s’agit d’une novella médiocre et mal écrite, mais écrite en français. Soit plus de 80 francs !
Dès lors, je te l’assure cher lecteur, le doute n’est plus permis : le rapport médiocrité-prix est tel que même Alexis Aubenque et Bernard Werber sont battus.
« Dick Roy alluma un beedis en songeant que, lorsqu’on avait atteint le pire, il fallait toujours s’attendre à pire. »
Vous voilà prévenus...