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Odyssées aveugles

Eric Brown


Odyssées aveugles
 Pour la présente édition :

Editeur : Dlm
Date de parution : 1998

La critique du livre
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Au milieu des années 1990, Sylvie Denis et Francis Valéry se faisaient les hérauts d’une SF anglo-saxonne exigeante, héritière de New Worlds. Puisant dans les pages de la revue Interzone, ils traduisaient et nous permettaient de découvrir, via leur petite structure éditoriale DLM, Stephen Baxter, Paul J. McAuley, Kim Newman, Ian R. MacLeod, Geoff Ryman, Greg Egan, Paul Di Filippo et j’en passe.

Si beaucoup parmi ces auteurs ont fait souche, rassemblant autour de leurs textes un lectorat de fans non négligeable, il n’en va pas de même pour Eric

Brown

dont l’œuvre reste pour le moins confidentielle dans l’Hexagone. À la différence de ses collègues, l’auteur britannique a en effet pâti de la disparition de DLM, dont l’arrêt de publication a sonné le glas de ses traductions. Depuis, si l’on fait exception de quelques nouvelles parues ici et là, sa bibliographie est restée en grande partie inédite, contraignant l’amateur à traquer ses textes sur le marché de l’occasion afin de satisfaire sa curiosité. C’est le cas d’ailleurs du présent ouvrage, paru en 1998.

Odyssées aveugles rassemble quatre nouvelles précédées d’une préface non signée et d’une courte bibliographie en fin d’ouvrage. Toutes s’inscrivent dans un univers commun, celui d’ « Engineman », un futur indéterminé mais que l’on pressent lointain, où l’humanité a essaimé sur plusieurs planètes de la galaxie grâce à la découverte du nada-continuum. À l’instar de l’ansible, astucieuse trouvaille narrative permettant la communication instantanée, le nada-continuum facilite les voyages entre les étoiles. Du moins, si l’on fait abstraction du phénomène d’accoutumance qu’il provoque chez les Propulseurs, la partie humaine de cette technologie. Les humains reliés à la machinerie des vaisseaux entrent en effet en état de flux, se connectant à la méta-structure de l’univers pour s’affranchir des distances par l’esprit. Hélas, cette union s’apparente à une sorte d’extase prolongée et surpuissante, reléguant le plaisir charnel et la consommation de drogue au rang de broutilles dérisoires.

De ce futur guère utopique, Eric

Brown

tire des récits sous-tendus par un réel questionnement autour de la condition humaine et de son interaction avec la technologie. Jamais anodin, le propos de l’auteur s’inscrit dans un décor qui ne dépareillerait pas dans un space opera classique. Les nouvelles de l’auteur britannique relèvent cependant bien davantage d’une speculative fiction que n’auraient pas désavoués Brian Aldiss, M. John Harrison, J. G. Ballard, voire Christopher Priest. Bref, de quoi attirer et réjouir l’amateur d’une science-fiction axée sur l’humain, plus attachée à l’introspection qu’au déchaînement un tantinet pompier de la technologie.

Des quatre textes inscrits au sommaire du recueil, on ne peut pas retrancher grand chose, tant leur qualité oscille du très bon à l’excellent. Le premier d’entre-eux, « L’homme décalé » (« The Time-Lapsed man ») conjugue les vertus de la spéculation vertigineuse aux ressorts du drame humain. Victime de son addiction au nada-continuum, Thorn, un Propulseur, se retrouve affligé d’un mal rédhibitoire : le décalage de ses sens dans le passé. Il ne ressent plus rien en direct, mais avec un retard de quelques heures. L’Ouïe, le goût, l’odorat et bientôt la vue le condamnent à vivre à contretemps des autres hommes, le privant de toute relation sociale. Bref, à une existence fantomatique qui l’exclue définitivement de la société.

Après cette ouverture, « Du Rififi au grenier » (« Big Trouble Upstairs ») paraît une amusette sans prétention dont on goûte toute l’ironie du pied de nez final. Eric

Brown

y met en scène la course-poursuite entre un agent du gouvernement et un tueur dans un Disneyland orbital. Le représentant de l’autorité doit agir vite car le criminel qui détient des otages, a déjà découpé au laser plus de 200 touristes. Au-delà de la drôlerie vacharde du récit, on perçoit pourtant un propos qui interpelle. Rien que le personnage principal, un super-télépathe aux tendances pédophiles, vendus par ses parents dans sa prime enfance pour devenir une arme au service du gouvernement, a de quoi déboussoler le sens de l’éthique.

« Mourir pour l’art – et vivre » (« The Girl who died for Art and lived ») me semble être le point d’orgue du recueil. Ce récit aux accents ballardiens traite du rapport de l’homme à l’art. Les maladies, cancers, tumeurs nécrosées, mélanomes malins font ici l’objet d’une fascination morbide auprès d’un public friand d’installations ou de performances artistiques choquantes, leur procurant sans doute le sentiment de goûter avec plus d’intensité une vie qui, par ailleurs, ne leur offre plus guère de surprises. Daniel est l’étoile montante de ce milieu mortifère, surtout depuis qu’il a produit des œuvres en rapport avec son drame personnel, imprimant durablement son angoisse, sa douleur et sa culpabilité dans la structure de cristaux extraterrestres. Mais, si l’art paraît un exutoire pour ce seul rescapée de l’explosion d’une nova, il apparaît pour Lin Chakra comme l’unique ressort de son existence. Aussi, voit-elle désormais la mort comme l’expression ultime de son œuvre.

Après cette acmé textuelle, « Les disciples d’Apollon » (« The Disciples of Apollo ») peut paraître mineur. Cette courte nouvelle clôt pourtant le recueil sur une touche d’émotion dont on appréciera la grande sensibilité, même si l’argument science-fictif paraît anecdotique.

Au final, tout en déplorant le rendez-vous manqué de l’auteur britannique avec le lectorat francophone, on ne peut que se féliciter du regain d’intérêt dont il bénéficie, en espérant que le succès soit à la hauteur de la qualité des textes au sommaire d’Odyssées aveugles. Non sans une certaine impatience, j’attends maintenant Les Ferrailleurs du Cosmos pour goûter à une facette plus légère de l’auteur. Et mon petit doigt me dit que l’on n’a pas fini de (re)découvrir Eric

Brown

, The Martian Simulacra étant annoncé dans la collection « Une Heure-Lumière ». Ouf !



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