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lacroute

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13/03/2005
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Le Parfum

Patrick Süskind


Le Parfum
Traduction : Bernard Lortholary
Titre original : Das Parfum
Première parution : 1er trimestre 1985

 Pour la présente édition :

Editeur : Le Livre de Poche
Date de parution : 1er trimestre 1986
ISBN : 978-2-253-04490-1

Ce livre est noté   (4/5 pour 1 évaluations)


J'ai lu ce livre et je souhaite donner mon avis
La critique du livre
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Je ne vous ferai pas ici l’affront d’appâter en préambule à l’aide d’un court résumé. Vous savez tous à quoi vous attendre, que ce soit via le roman et/ou le long métrage. Sinon la 4 de couv (voir plus bas) recentrera quelque peu.

Passons aux états d’âme successifs qui agitèrent le lecteur que je fus. D’autant qu’après exploration complémentaire du thème sur la Toile, j’ai trouvé de multiples traces couvrant maints aspects: du lycéen en panne de lecture qui cherche un résumé (bougre de bougre de génération alourdie d’images) au décortiqueur psycho-pathologico-criminalopatenté (sans compter les littérarospécialistes) auprès de qui je ne suis rien pour tenter une énième tentative de dépouillage du roman).

Ce qui peut ici nous intéresser par contre, au sein des littératures de l’imaginaire, est de savoir si « Le parfum » est de fantastique construit. J’aurais tendance à répondre par l’affirmative, considérant cette surcapacité grenouillesque olfactive comme élément hors nature loin de portée des « nez » de la haute-parfumerie. Mais en fait j’ignore tout de l’intensité de leur talent et doit me contenter, peut être sans raison, d’attirer l’œuvre vers nos préoccupations CSFiennes.

Basta.. ! Alors en avant pour mon ressenti perso :

D’entrée ce livre pue.
Paris refoule du goulot dès les premières phrases, à grands fracas malodorants, à grandes explosions de sanie, de pourriture et de relents humains.
Le lecteur fait ses premiers pas sur le marché du Cimetière des Innocents.
Curieux le bougre, appâté par ce roman vanté en soit-disant odorama littéraire, il s’apprête plus à en sentir les mots qu’à les lire. Il plonge, confiant, à pleines narines dilatées. Mais bientôt dégoûté, que dis-je horrifié, il pince subitement le nez, réflexe pavlovien et instinct de survie, comme pour sceller un sas étanche entre ses fosses nasales, cils hérissés de déplaisir, et ses mots ordonnés en puanteurs sur l’encre de Chine du papier.
Espérant du Guerlain il se voit refiler de la boule puante.
C’est la faute du placenta, du bébé et des poissons étêtés traînant dans la boue sous l’étal.
Suskind sait y faire. Livre ouvert sur la tranchée entre deux pages, les phrases en cortèges de mots refoulent du bec de la plume qui les a écrit. Paris pue du verbe et du substantif, un vrai bonheur.. L’auteur a raclé le dictionnaire de toutes les connotations malodorantes, grappillant les mots qui débecteraient un putois en chaleur, pour nous les jeter au visage, à grandes bouffées abominables. I

Mais cette première partie, tout du long de son activité parisienne, possède des vertus inattendues.
Il pousse son lecteur à l’hygiène. Si si.. ! Je m’explique :
Il lui demande de se pencher sur sa propre odeur. Savoir si celle qu'il charrie et offre à son voisin est, au moins pire, socialement acceptable.
Entre deux chapitres, surveiller du nez ses aisselles devient réflexe pavlovien, par crainte d'y renifler l'inavouable.
Conseil: lire le roman en hiver s'avère principe rassurant, loin des sueurs moites d'été étalant des auréoles marécageuses sous les bras de chemises.
Ainsi entre deux péripéties du récit, en mode pause imposé par l'auteur, le lecteur se découvre soudain les bras levés au ciel, l'un tenant le roman (pour ma part je suis pur droitier, n'abandonnant à la main gauche que la partie azerty du clavier), la tête penchée et la narine palpitante au creux d'abysses odoriférantes de part et d'autre du thorax.
Ainsi le roman nous transforme en chimpanzés pendus sous la branche, circonspects sur la pilosité graisseuse de nos aisselles.
Suskind possède, se prend t'on à soupçonner, des actions chez Darty rayon épilateurs ou Roundup façon désherbants.
Pour ma part, le récit m'a tenu haletant, jusque tard le soir et tôt le matin, entre autres sur la lunette des WC; grave erreur que celle de lire Suskind au saut du lit en un lieu si traditionnellement clos: la lecture se fait alors en odorama ascensionnel qui ramène l'homme à ses corporelles nécessités de tous les jours: l'utilisation du PQ, du monoï gel douche et de la brosse à dents. Ne riez pas, c'est vrai, je suis sorti de là brusquement, pantalon sur les chevilles avec l'impérieuse nécessité de me frotter d'abondance.

NB : Plus loin dans le récit, au sommet du Plomb du Cantal, lorsque ce brave et ignominieux Grenouille doute de son identité en se surprenant sans odeur, le toujours lecteur maintenant propre comme un sou neuf, retrouve le chemin olfactif de ses propres aisselles. Il espère y débusquer, en opposition totale avec la raison de l’aller, des relents corporels infernaux. Il se veut, à l’égal du grenouillard, rassuré sur son humanité par la présence d’effluves à faire chuter un corbeau de sa branche, le dessous de bras comme un large bec tenant un fromage coulant . « Je pue donc je suis. » Et le lecteur de se refuser alors au Savon de Marseille devenu outil d’anonymat social.
Suskin est alors un terroriste qui pousse à la désobéissance hygyénique.

. « Le parfum » assaille les narines, à chaque page tournée ; des profondeurs de chaque tranchée entre deux feuilles (ne pas confondre avec l’odeur de colle issue de la reliure) remontent l’intolérable puis le charmant; tour à tour une culotte faite à cœur dont on lacère la ficelle (ici j’ai le sang qui bout), puis une frêle brise caressant un champ de thym. « Le parfum » plus qu’un récit plongeant ses entrailles dans l’Histoire, plus qu’ un thriller abracadabrant narrant l’histoire d’un tueur en série, est sans nul doute une expérience réussie (et peut être unique) de mise en odeurs des mots et des phrases. C’est ici le grand pari du roman : jouer des lettres et de la ponctuation, éléments de base du propos écrit, pour composer des phrases olfactives que l’on se prend à renifler de gauche à droite sur le papier comme des rails d’Encre de Chine odorante. Suskin propose des bouffées littéraires de shoots olfactifs ; des phrases, qui inhalées, ont la particularité de parfumer nos neurones.

Mais ne vous y trompez pas. Je traite ici le sujet du livre avec un humour disproportionné alors, que « Le parfum » est un drame traversé tant par le héros principal que par les personnages annexes, ils trouvent tous un destin funeste à un moment ou un autre. On se prend néanmoins à ressentir une certaine affection teintée de curiosité malsaine à l’égard de Grenouille ; alors qu’au final, peut être, ne possède t’il en lui aucune part de la moindre humanité.. ? Rien qu’un orgueil immature.

Ma chronique prend abruptement fin ici. Je suis « sec ». Désolé. J’ai trop attendu lecture close, une grosse semaine à peine. « Le Parfum » commence à se diluer dans l’éther ; ne subsistent plus que les images obsédantes du film vu dans la foulée ; elles effacent les mots que cela en est dommage. Le livre sent, le film non.. ! C’est, néanmoins, une assez bonne adaptation, même si elle tord un peu les faits et oublie certains passages (fluides vital et léthal du Marquis de Taillade-Espinasse..par exemple..). J’ai maintenent peur de mélanger les deux, de les confondre dans une même odeur, ce qu’ils ne sont pas.
.
Merci à Bouquet de Nerfs qui en mp m’a donné la confirmation d’un cap à suivre, et surtout quelques remarques pertinentes. J’espère qu’ici il vous fera part de sa vision comparative de la scène d’orgie, elle est très intéressante. Il y parle de détournement de registre et ma foi, c’est pertinent.




Au XVIIIème siècle vécut en France un homme qui compta parmi les personnages les plus géniaux et les plus horribles de son époque. Il s'appelait Jean-Baptiste Grenouille. Sa naissance, son enfance furent épouvantables et tout autre que lui n'aurait pas survécut. Mais Grenouille n'avait besoin que d'un minimum de nourriture et de vêtements et son âme n'avait besoin de rien. Or ce monstre avait un don, ou plutôt un nez unique au monde, et il entendait bien devenir même par les moyens les plus atroces, le Dieu tout puissant de l'univers, car "qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le coeur des hommes". C'est son histoire, inavouable..et drôlatique, qui nous est racontée dans "Le Parfum", best-seller mondial, récemment porté à l'écran.


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