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zomver

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28/12/2004
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Cartographie des nuages

David Mitchell


Cartographie des nuages
Traduction : Manuel Berri
Illustration : scandella@IDSland.com
Titre original : Cloud Atlas
Première parution : 2004

 Pour la présente édition :

Editeur : Editions de l'olivier
Date de parution : 2007
ISBN : 978 2 87929 485 8

La critique du livre
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Un ciel crépusculaire





L’histoire

Cartographie des nuages est un roman constitué de six récits. Survolons-les:

Journal de la traversée du pacifique d’Adam Ewing
XIX ème siècle. Nouvelle Zélande. L’homme de loi américain, Adam Ewing consigne sa vie dans un journal. Nous le trouvons au moment où il attend un bateau pour retourner en Amérique. Avec son nouvel ami, le docteur Goose qui ne nourrit guère d’illusions sur la nature humaine, il observe le colonialisme à l’œuvre.

Lettres de Zedelghem
Les années 30. Robert Frobisher est musicien. Déshérité par son père, sans le sou, il part en Belgique proposer ses services à un compositeur de renom incapable de travailler seul parce que malade. En parallèle avec ce travail d’assistant qu’il supporte mal, Frobisher compose sa propre musique. Au travers de lettres écrites à un ami, il nous décrit sa vie, ses amours, sa musique. Parfois avec cynisme, toujours avec passion. "L’on écrit de la musique parce que l’hiver est éternel" confiera t-il a son ami.

Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey
Aux USA, pendant les années 70. La journaliste Luisa Rey travaille pour un magazine people sans envergure. A la suite d’une rencontre fortuite avec un spécialiste du nucléaire, elle va mettre son nez dans une affaire de centrale atomique pas si clean que ça. A ses risques et périls. Ambiance thriller.

L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish
Royaume Uni. De nos jours. L’éditeur britannique Timothy Cavendish nous raconte ses mésaventures : arrivé dans un hôtel qui s’avère être en fait une maison de retraite, il tente d’en sortir mais l’entreprise est plus difficile qu’on ne le croit quand on vous considère comme un vieux récalcitrant ! Humour noir totalement jouissif.

L’oraison de Sonmi-451
La Corée dans un lointain futur. Avant d’aller au Phare, Sonmi répond aux questions de l’Archiviste. Elle explique comment, alors qu’elle n’était que simple factaire (clone), elle a commencé à se poser des questions. Pourtant les factaires ne sont pas prévus pour se poser des questions…
Un avenir dystopique où les "bas quartiers pour untermensch" (ce sont les termes de l'Archiviste) n’ont rien à envier aux bas-fonds de Ha ReBin (*).

(*) Le goût de l’immortalité – Catherine Dufour

La croisée d’Sloosha pis tout c’qu’a suivi
Là, c’t’une aut’narrance. Ca ouais. Assieds-toi donc un batt’ment, liseur de essefeux et moi, Zachry, j’vais t’la dire pisqu’elle est toute vraie, aussi vraie qu’moi et toi.
C’est loin après la Chute.
La vie dans not’ Vallée, elle est pas plus mauvaise qu’ailleurs. On a not’Dieu, not’ Abbesse, not’ Iconière, un lieu particuyer où on met nos icônes après not’ mort. On a nos figuiers, nos chèvres et on vit comme ça. Aux moitiés de printemps et d’automne, on fait les troqu’ries avec les Prescients qui viennent avec leur Navire. Ils sont pleins de savance, les Prescients et ils parlent bizarre, salé pis froid mais t’jours avec polit’rie. A une troqu'rie, ils ont demandé qu’on prenne la Presciente Méronyme pour qu’elle apprenne nos coutumes.
Un jour, Méronyme a voulu gravir le Mauna Kea. J’savais qu’c’était de la fêlure, de la foll’rie, c’te curieuserie mais elle continuait à vouloir alors on y est allé…

Que David

Mitchell

me pardonne si je suis maladroite pour utiliser la langue de Zachry mais comment vous dire autrement cette histoire ?



Mon avis

YESSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSSS !

Autrement dit, un fond intéressant servi par une forme impeccable.


……>. La forme

Une structure originale : chacun des récits est coupé en son milieu pour laisser place au récit suivant jusqu’à atteindre le récit central, celui de Zachry qui, lui, n’est pas coupé sans doute parce qu’il constitue le point final de l’histoire.
Le premier récit - A – se situe dans le passé le plus éloigné, les suivants B, C, D, E avancent dans le temps jusqu’au récit central, F, situé dans le futur le plus lointain. Après le récit central, on retourne progressivement vers le passé et chaque récit trouve son dénouement. La séquence de lecture est donc la suivante A-B-C-D-E-F-E-D-C-B-A. Une façon de traduire une certaine circularité de l’Histoire ?

Ces six récits sont discrètement reliés par des éléments que le lecteur découvre progressivement. Ceux qui ont lu l’excellent Ecrits fantômes reconnaîtront le procédé.


Une remarquable performance stylistique

Le type de texte s’adapte au propos.
On passe progressivement de l’aspect intime d’un journal ou d’échanges épistolaires à la froideur d’un interrogatoire (comment mieux évoquer une dystopie que par le biais d'un interrogatoire ?) pour revenir à la convivialité d’une histoire (d’une récitance, dirait Zachry) que l’on raconte aux siens dans le plus pur respect d’une tradition orale.

La langue évolue avec l'époque. (au passage, chapeau au traducteur !)
De l’écriture recherchée et vaguement ampoulée d’Adam Ewing, on évolue vers un style actuel (doublé d’un humour terriblement grinçant dans L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish) pour découvrir la langue toute en néologismes de Sonmi-451 (on ne photographie plus, on nikonne ; on ne va pas voir un film, on va voir un disney…) et arriver enfin à celle de Zachry qui ressemble à une langue de terroir (pour traduire un retour aux sources ?).



……>. Le fond

Le propos tourne autour d’un thème inépuisable: l’homme et sa destinée et s'aventure ainsi sur un terrain mille fois exploré expliquant sans doute que les idées ne soient pas vraiment innovantes.

Des considérations sur le colonialisme, le traitement des vieux par notre société, les problèmes éthiques posés par le clonage, le mythe du bon sauvage et plus généralement des réflexions sur l’homme-ce-loup-pour-l’homme, on en trouve en effet dans des myriades de livres mais nous les revisitons ici sans lassitude car elles sont servies par une grande variété de situations.
Les récits s’échelonnent sur une échelle chronologique à la mesure du sujet et qui confère à l’œuvre un aspect "fresque" rendant l’ensemble encore meilleur que la somme des parties. Cet étalement dans le temps semble aussi faire joliment écho aux propos tenus par l’Abbesse dans le récit de Zachry : "Les âmes traversent les ciels du temps […] comme les nuages traversent les ciels du monde".
Quant au lien entre les récits, il se fait toujours par le biais d’une transmission d’informations, d’un message (écrits, film, hologramme voire message génétique) comme pour illustrer symboliquement le fait que le passé transmet au futur et en contient déjà les prémices.

Cerise sur le gâteau, de nombreux clins d’œil pimentent le livre et si, dans L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish, Cavendish évoque son "éternelle lecture défécatoire", à savoir L’histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain d’ Edward Gibbon, c’est peut-être pour qu’une fois la dernière page du livre tournée, le lecteur considère également Cartographie des nuages comme l’histoire d’une décadence et d’une chute.

David

Mitchell

a-t-il réellement voulu exprimer tout ce que j’ai vu dans son livre ? Après tout, quelle importance ? N’est-ce pas le privilège du lecteur de pouvoir s’approprier une œuvre ?

Ceux qui ont lu Ecrits fantômes remarqueront qu’un certain Timothy Cavendish apparaît dans le récit Londres alors, quitte à prendre des libertés dans mon interprétation de Cartographie des nuages, je m’en octroie une autre, celle de me dire que certains récits d’Ecrits fantômes pourraient y figurer (avec un lien adequat). Je pense surtout à La Montagne sacrée, un récit qui est à lui seul une fresque, celle du passage de la Chine impériale à la Chine moderne. Un récit que nous fait une femme qui s’entendrait peut-être avec le Zachry du futur parce que, son expérience de vie lui ayant apporté pragmatisme et sagesse, elle a compris que l’Histoire en marche, l’individu, jamais, ne la maîtrise.



Le majestueux piano à queue de la couverture qui évoque bien sûr la musique très présente dans ce livre, me suggère une conclusion à connotation musicale, celle toute simple qui consiste à vous dire : si ce livre n’était qu’un message, il serait ces indications dont Erik Satie, parsemait ses partitions à l’intention du pianiste qui les jouerait :

"Postulez en vous-même"
"Pas à pas"
"Ouvrez la tête"
"Munissez-vous de clairvoyance"
"Sans orgueil"
"Sans s’irriter"

Ainsi, si vous postulez en vous-même ;-) et qu’à l’instar de Zachry, vous vous demandez : "Alors c’est mieux d’être sauvage qu’civilisé ?" , vous n’échapperez pas à la question que pose alors Méronyme : "C’est quoi l’sens tout nu qui s’cache derrière ces deux mots ?"

Si ça vous tente, en pensant à tout ça, écoutez donc une une Gnossienne.
Ca vous aidera p’têt passqu’v’voyez...

... "Notre vérité est d’une froidure terribe".


Edit: orthographe




Extrait:

Né en 1969 en Grande-Bretagne, David Mitchell a enseigné pendant huit ans au Japon avant de revenir s'installer en Angleterre. Lauréat de nombreux prix littéraires, il a été trois fois finaliste du Booker Prize. Salué dès ses débuts par A. S. Byatt, il est considéré comme l'un des principaux romanciers anglais contemporains.


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