Aquablue est un cycle français de BDs SF originellement signé Cailleteau (scénario) et Vatine (dessins) jusqu’au tome 4 inclus. Sa première apparition date de 1988 (Delcourt Ed., prépublication dans « L’Argonaute) et court jusqu’en 2021 sur le fil de 17 tomes. Ce ne sont pas des one-shots mais un récit à suivre. Tout au plus peut-on apparemment différencier des sous-cycles (1à5 – 5à10 … etc) s’attachant au même univers.
Nao est le titre inaugural d’un planet-opera graphique au workbuilding scénaristique assez dense et suffisamment précis pour être crédible. Bienvenue sur un autre monde loin de la Terre : « Aquablue », une gigantesque bulle d’eau planétaire dans l’immensité du vide tendu entre les étoiles. Le propos est d’ampleur, le défi semble réussi. Le ton est juvénile mais les adultes y ouvriront de grands yeux étonnés. Reste que le tout semble s’être gentiment défraichi sur le fil des années qui passent (plus de 25 ans maintenant). La présente chronique ne cible que le premier tome (la suite viendra).
Dans un lointain futur, la Terre a colonisé les mondes à sa portée. A des années-lumière du Berceau, aux franges d’un désormais foisonnement planétaire, un paquebot interstellaire de tourisme fait naufrage dans un champ d’astéroïdes (Cf Titanic et son iceberg). Une barge de sauvetage recueille un rescapé, un bébé humain, Wilfrid, et son robot-nurse, Cybot ; ce dernier, va éduquer, seul, l’enfant dans l’espace huit ans durant jusqu’à ce qu’une sonde détecte un monde non recensé mais habitable. Bienvenue sur Aquablue, une planète-océane. 97% d’eau, iles et ilots en archipels; natifs humanoïdes à la peau bleue, structure sociale tribale; des us, des coutumes, des croyances dont celle en un messie-prophète à venir; Wilfrid fera l’affaire. Le préambule est classique, la suite le sera tout autant.
… la suite appartient au récit.
Superbe travail même si le scénario semble à l’affut d’idées issues du passé commun de la SF. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé (bien au contraire) mais j’ai eu une impression de « déjà-lu ». C’est, à l’œuvre, la mécanique de Dan Simmons dans « Hyperion ». De la même manière les autochtones humanoïdes d’« Aquablue » préfigurent ceux d’« Avatar » (2009).
Tout du long de ce premier tome on sent, sous forme d’hommages et sans que cela soit rédhibitoire :
_ l’influence du Dune d’Herbert : un messie-prophète émergeant, annoncé par un tissu de légendes ; un Ver des Sables, ici version Moby Dick, une simili-baleine géante déifiée ;
_ « Le nom du monde est forêt » d’Ursula K. Le Guin : la mainmise colonialiste terrienne sur les ressources d’une planète autochtone (le pillage est en cours), l’art et la manière de sous-humaniser des indigènes spoliés ;
_ Jack Vance : une planète-eau, ilienne, tout en archipels ; sa faune, sa flore, son climat tropical propice aux éclatantes couleurs chaudes et vives ; on s’y baignerait …
_ Starwars de Georges Lucas : un Cybot, robot de morphologie mécanique humanoïde proche de G-3PO; réparties verbales savoureuses et décalées incluses …
Au final, Nao est une délicieuse parenthèse science fictive qui porte à réflexions, une porte entrebâillée sur un monde différent du nôtre mais en prise avec lui ; les vignettes regorgent de l’ébène du vide entre les étoiles, du bleu étincelant de l’océan, de la plastique merveilleuse des habitantes.
C’est beau et attachant, c’est l’essentiel. RDV pour le second tome.